Portée par l’innovation numérique et une demande mondiale en plein essor, l’apiculture africaine connaît une croissance rapide. Mais pour s’imposer durablement à l’échelle internationale, le secteur doit encore surmonter de nombreux obstacles.
Bien qu’encore considérée comme une filière mineure dans de nombreux pays africains, l’apiculture joue un rôle économique, social et environnemental de plus en plus important sur le continent. En 2023, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé la production mondiale de miel à 1,894 million de tonnes, l’Afrique affichant le taux de croissance le plus élevé. Avec un volume de production annuel de 223 000 tonnes en 2023, l’Afrique représente 12 % de la production mondiale de miel. Ce chiffre marque une progression notable : en 2013, la part de l’Afrique était d’environ 10 % avec 155 000 tonnes produites.
Selon le rapport « Technologies et solutions numériques pour l’apiculture », publié par la FAO en mai 2025, cette production peut encore augmenter tout comme le gain financier pour l’Afrique grâce à l’adoption de nouvelles approches faisant la part belle à la technologie pour améliorer la gestion des colonies, assurer la traçabilité des produits et accéder à de nouveaux débouchés.
Des outils connectés pour une apiculture de précision
Dans certains pays, la transformation numérique du secteur est déjà en cours via des applications adaptées aux réalités locales. Au Burkina Faso, la start-up Smart-Apic a mis au point une plateforme qui permet de surveiller les ruches à distance à l’aide de capteurs connectés et d’une application mobile. Les données collectées (poids, température, humidité, comportement des abeilles) facilitent la détection précoce des maladies, optimisent les récoltes et réduisent les pertes.
En Ethiopie, Abiye Tadeos, via sa start-up Anabi Agritech Solutions, propose des services d’apiculture intelligente basés sur l’Internet des objets (IoT), permettant de suivre en temps réel l’état des ruches, même dans les zones rurales reculées.
Ces innovations numériques, souvent développées par des start-up locales, ont pour objectif principal l’augmentation de la productivité tout en allégeant la pénibilité du travail.
Traçabilité, blockchain et accès aux marchés internationaux
L’un des principaux défis de l’apiculture africaine reste la valorisation du miel sur les marchés formels et à l’export. La traçabilité, désormais facilitée par les applications mobiles et la blockchain, devient un atout commercial majeur. Elle garantit la lutte contre la contrefaçon qui déprécie la valeur du produit auprès des consommateurs. D’après la FAO, l’intégration de la blockchain dans la chaîne de valeur apicole atteste de l’origine, de la pureté et de la qualité du miel, des critères de plus en plus recherchés par les marchés internationaux et les labels bio.
La numérisation favorise également l’accès à l’information sur les prix, la demande et les tendances du marché grâce à des plateformes d’échange ou des groupes WhatsApp et Telegram, ajoute la FAO. Les petits producteurs peuvent ainsi mieux négocier et limiter leur dépendance vis-à-vis des intermédiaires souvent coûteux.
Renforcement des capacités et inclusion numérique
L’adoption des technologies numériques dépasse les seuls outils de production : plateformes d’information, applications de formation et les réseaux sociaux professionnels jouent un rôle déterminant dans le renforcement des compétences des apiculteurs. Elles facilitent l’accès à l’expertise, la diffusion des bonnes pratiques et encouragent la création de communautés d’entraide, essentielles pour renforcer la résilience du secteur face aux aléas climatiques et sanitaires.
Cependant, l’adoption de ces innovations reste freinée par le coût des équipements, le manque d’accès au crédit et la faible maîtrise des outils numériques dans certaines zones rurales. Les experts de la FAO recommandent de privilégier des solutions simples, abordables et adaptées au contexte local, ainsi que développer des programmes de formation spécifiquement destinés aux femmes et aux jeunes.
Perspectives et enjeux pour les acteurs économiques
Selon Global Market Insights, le marché mondial de l’apiculture a dépassé 10,5 milliards de dollars en 2024 et devrait croître de 4,2 % par an jusqu’en 2034, tiré par la demande de produits naturels, de miel bio et de solutions de pollinisation pour l’agriculture durable. Dans ce contexte, la croissance rapide de la production africaine, qui représente déjà 12 % du volume mondial, place le continent en position stratégique pour capter une part croissante de ce marché, à condition d’investir intelligemment dans la numérisation, la certification et la formation des acteurs de la filière.
Pour les investisseurs, les ONG et les pouvoirs publics, l’enjeu est de faciliter l’accès aux technologies, de renforcer les infrastructures numériques et de promouvoir des modèles d’apiculture durable et inclusive. Des initiatives comme Smart-Apic ou Anabi Agritech Solutions illustrent le potentiel de l’innovation locale pour transformer durablement la filière, à condition d’être soutenues par des politiques publiques ambitieuses et des financements adéquats.
Melchior Koba
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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En Guinée, le secteur du jeu vidéo commence à susciter un intérêt stratégique. Des initiatives émergent pour structurer ce domaine et en exploiter les retombées économiques.
La première édition du tournoi national « FIFA Champions Guinée 2025 » se tiendra les 27 et 28 juin, au Chapiteau By Issa, à Conakry. L’événement, consacré au jeu vidéo EA Sports FC 25, réunira 32 joueurs issus de toutes les régions du pays. À travers cette compétition, les organisateurs entendent favoriser l’accès à l’e-sport et accompagner l’essor du numérique en Guinée.
La Guinée s’intéresse au gaming, notamment parce qu’il constitue un vecteur d’insertion professionnelle et de valorisation des talents numériques. Les organisateurs ambitionnent de structurer l’écosystème du jeu vidéo, de créer une base de données des meilleurs joueurs, de les former et de les accompagner vers des carrières numériques, mais aussi de connecter la jeunesse guinéenne à un marché mondial en pleine croissance.
Selon un rapport de l’éditeur africain de jeux vidéo Carry1st et du cabinet d’étude de marché spécialisé Newzoo, le marché du jeu vidéo sur le continent africain a atteint 1,8 milliard de dollars en 2024, enregistrant une hausse de 12,4 % par rapport à l’année précédente. À l’échelle mondiale, la progression a été plus modérée, avec une croissance de 2,1 % sur la même période. Ces données montrent le potentiel du secteur en Afrique, ouvrant de réelles opportunités pour la jeunesse, notamment en Guinée.
Cependant, la Guinée doit relever plusieurs défis pour garantir le succès de cette opportunité. Le gaming professionnel repose sur l’Internet fixe à haut débit pour ses performances, sa stabilité et sa capacité à supporter de gros volumes de données, essentiels pour une expérience fluide et compétitive. Or, l’accès à Internet fixe reste limité et coûteux en Guinée.
D’après les données de l’Union internationale des télécommunications, le coût de l’Internet fixe représentait en 2024 près de 7,29 % du revenu national brut mensuel par habitant, un taux bien supérieur au seuil d’abordabilité de 2 % recommandé au niveau international. Ce niveau de tarification freine l’adoption du haut débit et limite les usages liés au numérique avancé.
Pour tenter de répondre à ces contraintes, les autorités guinéennes ont, en décembre 2024, quadruplé la capacité du backbone national de fibre optique, passant de 50 à 200 gigaoctets. Cependant, cette amélioration technique devra être suivie d’une baisse effective des coûts et d’une extension de la couverture sur l’ensemble du territoire pour permettre à la jeunesse guinéenne de pleinement saisir les opportunités du gaming et du numérique.
Melchior Koba
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Face à un taux de chômage élevé chez les jeunes diplômés, l’Algérie intensifie ses efforts pour encourager l’entrepreneuriat universitaire. En développant un réseau dense d’incubateurs, le pays vise à stimuler l’innovation et à diversifier son économie en misant sur les technologies et les start-up.
Le président de la Commission nationale de coordination et de suivi de l’innovation et des incubateurs universitaires, Ahmed Mir (photo), a réaffirmé le mardi 24 juin à Alger l’ambition du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, de porter à 20 000 le nombre de start-up en Algérie à l’horizon 2029.
S’exprimant lors d’une journée parlementaire sur le rôle des incubateurs dans les universités, Ahmed Mir a indiqué que 124 incubateurs sont aujourd’hui actifs dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à travers le pays. Ce maillage a permis de mobiliser 60 000 étudiants dont les projets de fin d’études visent la création de start-up ou de micro-entreprises, ou font l’objet de demandes de brevets. À ce jour, 1600 micro-entreprises, 130 start-up et 1175 projets labellisés « innovants » ont vu le jour, en plus de 2800 brevets déposés auprès des autorités compétentes.
Cette dynamique s’inscrit dans un effort soutenu du secteur de l’Enseignement supérieur depuis trois ans, en vue d’ancrer l’entrepreneuriat dans la culture universitaire et de valoriser le potentiel des 250 000 diplômés formés chaque année, dont plus de 110 000 issus des filières techniques, scientifiques et numériques. Ces profils constituent un levier stratégique pour alimenter l’écosystème entrepreneurial du pays.
Cette effervescence entrepreneuriale présente une forte dimension sociale. Dans un pays où le chômage des jeunes reste élevé, la création de start-up et de micro-entreprises apparaît comme un levier essentiel pour l’insertion professionnelle et la réduction des tensions sociales. Cependant, malgré ces avancées encourageantes, plusieurs défis persistent, notamment en matière d’accès au financement, d’amélioration des infrastructures numériques et d’accompagnement réglementaire adéquat.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Déterminé à faire du numérique un levier de développement, le Gabon active sa diplomatie économique. L’exécutif mise sur des partenariats ciblés pour accélérer sa transition digitale et atteindre ses ambitions.
En marge du 17ᵉ Sommet des Affaires États-Unis Afrique, qui se tient depuis lundi 23 juin à Luanda, en Angola, le président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema (photo), intensifie les échanges diplomatiques et économiques. L’objectif est de consolider des partenariats bilatéraux et d’impulser une nouvelle dynamique dans la stratégie numérique du pays.
Le chef de l’État s’est notamment entretenu avec son homologue botswanais, Duma Boko (photo, à droite), dont le pays est cité en exemple pour ses avancées en matière de digitalisation de l’administration et de gestion des finances publiques. Séduit par ce modèle, Oligui Nguema envisage de s’en inspirer pour réformer l’appareil administratif gabonais. Par ailleurs, il a rencontré Thierry Wandji, président-directeur général du groupe américain Cybastion, spécialisé dans la cybersécurité. L’entreprise propose de concevoir un data center national et de former 1000 jeunes Gabonais aux métiers du numérique, un projet qui répond directement à l’ambition nationale de faire du Gabon un pôle technologique en Afrique centrale.
Ces initiatives s’inscrivent dans un contexte de transformation économique. Pour réduire sa dépendance aux ressources extractives, le Gabon mise sur la diversification et place le numérique au cœur de sa stratégie. Le secteur représente aujourd’hui environ 5 % du PIB, mais les autorités ambitionnent de porter cette part à 10 à 12 % d’ici fin 2025, dans le cadre du programme intitulé « Gabon Digital ». Ce projet, soutenu à hauteur de 44 milliards FCFA (environ 72,4 millions de dollars) par la Banque mondiale, prévoit notamment le développement des infrastructures, l’amélioration de l’accès à Internet et la modernisation des services publics.
En s’appuyant sur des partenariats africains et internationaux, le Gabon cherche à accélérer sa transition numérique, renforcer la souveraineté technologique du pays et offrir de nouvelles perspectives d’emploi aux jeunes. Le véritable enjeu résidera désormais dans la mise en œuvre effective de ces engagements et leur traduction concrète dans la vie quotidienne des citoyens.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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En raison de son retard technologique, l’Afrique fait face à de multiples menaces pesant sur sa sécurité, son économie et son développement. Dépendant fortement de l’innovation étrangère, le continent subit aussi ses effets pervers, faute d’investissements conséquents dans la réglementation, la recherche, l’innovation et la formation des compétences.
Depuis 2020, l’Afrique observe de manière active l’accélération des innovations en matière d’intelligence artificielle. Après les modèles générateurs de texte qui ont marqué les esprits, sont venus les générateurs d’images, puis ceux de vidéos. Lors du Google I/O 2025, tenu les 20 et 21 mai en Californie, Google a dévoilé Veo 3, son dernier outil d’IA capable de produire des vidéos haute définition avec un son naturel et réaliste. Une nette amélioration par rapport à son prédécesseur, Veo 2.
« Nous entrons dans une nouvelle ère de créativité », a déclaré Josh Woodward, vice-président de Google Labs et Gemini, lors de la présentation de Veo 3, mettant en avant la possibilité de générer des vidéos « ultra-réalistes ».
Cette innovation place Google en concurrence directe avec d’autres acteurs du secteur, comme Synthesia (création de vidéos avec avatars réalistes), HeyGen (doublage multilingue avec avatars personnalisés), Runway (outils créatifs avancés) ou encore Kling AI (génération de vidéos haute qualité).
Ces outils séduisent les créateurs de contenu, les cinéastes et les professionnels des médias en Afrique. Mais ils révèlent surtout le degré de sophistication inquiétante qu'atteindront les deepfakes, dont la qualité ne cesse de croître. L’Afrique n’est plus épargnée par cette menace, ces hypertrucages étant désormais utilisés à des fins variées, souvent malveillantes.
Dans un monde où il est possible de manipuler voix, gestes et visages avec une précision déconcertante, la question n’est plus de savoir si les sociétés africaines seront touchées par cette révolution numérique, mais si elles peuvent y faire face.
Une nouvelle ère de l’illusion
Les deepfakes contraction de deep learning et fake sont des contenus vidéo, audio ou images modifiés ou générés par intelligence artificielle, conçus pour paraître authentiques. Grâce aux progrès de l’IA générative, il est désormais possible de faire dire ou faire n’importe quoi à n’importe qui, avec un réalisme déconcertant. Si ces technologies offrent des perspectives créatives (cinéma, éducation, jeux vidéo), elles constituent aussi un puissant outil de désinformation, particulièrement redoutable dans des contextes de fragilité institutionnelle et de littératie numérique inégale.
Dans une tribune, Raphael Nkolwoudou Afane, docteur en droit et juriste spécialisé en droit du numérique, souligne que la prolifération des deepfakes pourrait avoir des conséquences déstabilisatrices en Afrique. Le continent présente en effet un mélange de vulnérabilités propice à la diffusion et à l’impact des contenus manipulés.
« Les deepfakes tirent leur efficacité de notre tendance à accorder une crédibilité instinctive à ce qui est visible ou audible. Cette confiance dans l’image, héritée de siècles où la représentation visuelle équivalait à une preuve d’authenticité, est aujourd’hui ébranlée par des technologies capables de fabriquer des réalités convaincantes. Le cerveau humain, peu entraîné à distinguer une supercherie numérique d’un contenu authentique, devient une cible facile pour ces illusions sophistiquées », explique-t-il.
Il soutient que les deepfakes pourraient perturber des secteurs clés : « Prenons l’exemple de la finance : une vidéo truquée montrant un PDG tenant des propos compromettants pourrait faire s’effondrer les cours boursiers ou déclencher des paniques bancaires. En Afrique, où les marchés sont parfois plus sensibles aux rumeurs, l’impact serait dévastateur. Dans un contexte où la confiance envers les institutions est fragile et où les réseaux sociaux dominent la diffusion de l’information, les deepfakes menacent directement la stabilité démocratique. Une désinformation ciblée, exploitant les clivages existants, pourrait ébranler des nations entières. »
Les deepfakes risquent ainsi de provoquer une crise de confiance majeure envers les représentants de l’autorité publique, les leaders d’opinion et les institutions elles-mêmes.
Les sociétés africaines particulièrement exposées
En Afrique, les réseaux sociaux tels que Facebook, TikTok, Messenger et Instagram figurent aujourd’hui parmi les principaux canaux d’information. Ces plateformes facilitent la diffusion massive de contenus, souvent bien au-delà de leur zone d’origine, et amplifient la viralité de certaines informations, parfois sans vérification préalable.
Sous la présidence de Donald Trump, les mécanismes de vérification en place sur X (anciennement Twitter) et Facebook ont été affaiblis, au nom de la liberté d’expression, ce qui s'est traduit par un assouplissement des politiques de modération.
En l’absence d’une régulation claire des réseaux sociaux dans les pays africains sans pour autant entraver la liberté d’expression –, le risque de prolifération des deepfakes s’accroît. Certains États ont pris des mesures pour y remédier : en 2022, l’Ouganda a ainsi révisé sa loi sur l’utilisation abusive des ordinateurs, initialement adoptée en 2011. La nouvelle version pénalise la diffusion de fausses informations, notamment les deepfakes, tout en interdisant l’accès non autorisé aux données et le partage d’informations sensibles concernant les enfants.
Selon le Digital Report 2025, le nombre total d’utilisateurs des réseaux sociaux s’élevait à 5,31 milliards de personnes en février. L’Afrique représentait 561 millions de ces utilisateurs de réseaux sociaux d’après Statista.
Les réseaux sociaux les plus utilisés en Afrique en 2025.
294,1 millions sur Facebook,
104,5 millions sur Messenger,
189,3 millions sur TikTok,
91,1 millions sur Instagram,
27,8 millions sur X.
Source : Digital Report 2025
Il est à noter qu’une même personne peut être inscrite sur plusieurs plateformes.
Des outils et des lois encore trop timides
En juillet 2024, l’Union africaine (UA) s’est dotée d’une Stratégie continentale sur l’intelligence artificielle pour la période 2025-2030. Son objectif est de mettre l’IA au service du développement et de la prospérité de l’Afrique. Le Dr Amani Abou-Zeid, commissaire à l’Infrastructure et à l’Énergie de l’UA, explique qu’elle « s’aligne sur les aspirations de l’UA en matière de développement inclusif ainsi que sur ses valeurs fondamentales. Guidée par les principes d’éthique, d’inclusion, de diversité, de droits de l’homme, de dignité humaine, de bien-être des populations, de paix et de prospérité, elle priorise le développement et l’adaptation des systèmes d’IA au contexte africain ».
Cette stratégie propose une approche inclusive, centrée sur l’Afrique et axée sur le développement, articulée autour de cinq domaines d’intervention : exploiter pleinement les avantages de l’IA, renforcer les capacités en matière d’IA, minimiser les risques, stimuler les investissements, favoriser la coopération. Elle définit une vision commune et identifie les interventions clés pour permettre au continent de tirer parti du potentiel de l’IA tout en relevant les défis sociétaux, éthiques, sécuritaires et juridiques liés à ses transformations.
Cependant, malgré l’existence de cette politique continentale destinée à inspirer les pays africains et à accélérer leur mobilisation face aux enjeux croissants de l’IA, la réalité sur le terrain reste contrastée. Chaque État, confronté à ses propres défis de développement et maître de ses priorités, avance à son rythme. Ainsi, la préparation du continent face aux risques de l’IA, notamment ses dérives comme les deepfakes, demeure insuffisante.
Selon l’UA, entre 2018 et 2023, six pays – l’Algérie, le Bénin, l’Égypte, Maurice, le Rwanda et le Sénégal – ont élaboré des stratégies nationales dédiées à l’IA. D’autres, comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, la Mauritanie, le Maroc, le Nigeria, l’Ouganda, la Tanzanie et la Tunisie, ont pris des mesures significatives pour définir des politiques et créer des institutions dédiées au développement de l’IA. Cependant, l’indice de préparation à l’IA (AIPI) du Fonds monétaire international (FMI) révèle que près de 80 % des pays africains restent sous-équipés, que ce soit en termes de réglementation, de compétences humaines ou d’innovation.
L’Union européenne est mieux lotie avec son règlement (UE) 2024/1689 du parlement européen et du conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle. Il régit entre autres la mise sur le marché, la mise en service et l’utilisation de systèmes d’IA dans l’Union et précise certaines pratiques interdites. Il y a aussi le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui intègre des sanctions pour tout producteur de deepfake qui a recours à la voix ou encore à l’image des personnes sans leur consentement car ces attributs sont considérés comme des données à caractère personnel. Le RGPD peut s’appliquer même si le contenu relève de la liberté d’expression ou artistique. Dans certains pays, le code pénal a été mis à jour pour adresser les questions d’IA. En France par exemple, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement est sanctionné d’un an de prison et d’une amende 15 000 euros. Cette somme passe à deux ans de prison et 60 000 euros d’amende pour le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement.
Investir à la hauteur des enjeux
Sur le plan technologique, les initiatives locales visant à développer des outils de détection des deepfakes ou à renforcer les capacités des institutions en cybersécurité restent rares. La sensibilisation aux contenus manipulés demeure, quant à elle, marginale. Consciente de ces défis, l’Union africaine (UA) formule plusieurs recommandations dans sa stratégie continentale sur l’intelligence artificielle. Au-delà d’une législation sur l’usage éthique de la technologie et de ses dérivés, l’organisation souligne l’urgence d’investir davantage dans la recherche et le développement, de soutenir l’innovation sur le continent et de renforcer les compétences humaines. Ces mesures devraient permettre l’émergence de solutions de détection des deepfakes, mais aussi le développement d’outils d’IA propices à la croissance des divers secteurs économiques africains.
Les perspectives économiques sont significatives : une étude de McKinsey estime que l’IA générative pourrait augmenter la productivité de 40 % et ajouter entre 2200 et 4400 milliards de dollars par an à l’économie mondiale. Si l’Afrique parvient à capter ne serait-ce que 5 % de cette opportunité, cela représenterait un gain annuel de 110 à 220 milliards de dollars pour son PIB. Une utilisation judicieuse de l’IA pourrait également jouer un rôle clé dans l’industrialisation, la création d’emplois, l’amélioration des services publics, de la santé et de l’éducation, ainsi que dans la gestion des crises climatiques. En optimisant la prévention et la réponse aux sécheresses, cyclones et incendies de forêt, cette technologie pourrait sauver des vies et réduire considérablement les coûts liés à ces catastrophes.
L’écosystème africain de l’IA montre déjà des signes de dynamisme : selon l’UA, plus de 2400 organisations travaillent sur l’innovation en matière d’intelligence artificielle sur le continent, dont 41 % sont des start-up actives dans des secteurs tels que la santé, l’agriculture, l’éducation, le droit et l’assurance. La sécurité serait aussi bienvenue.

Face à la prolifération des deepfakes, l’Afrique ne peut se contenter d’un rôle passif. La bataille pour la vérité numérique est indissociable des enjeux de souveraineté, de stabilité démocratique et de confiance citoyenne. Il ne s’agit pas de rejeter les progrès de l’IA, mais d’en encadrer les usages et d’en prévenir les risques.
Muriel Edjo
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Grâce à un protocole d’accord signé en mai 2025 avec l’UNICEF, le Mali explore se tourne pour mieux identifier, suivre et accompagner les enfants en situation de vulnérabilité.
Le gouvernement malien a annoncé le dimanche 22 juin le déploiement de la solution CPIMS+/Primero, un système numérique destiné à renforcer la gestion des cas de protection de l’enfance. Ceci survient quelques semaines après la signature en mai 2025 d’un protocole d’accord entre le ministère chargé de la Promotion de la femme, de l’Enfant et de la Famille et ses partenaires techniques, notamment le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).
Un pas important de plus vers la réalisation des droits des filles et des garçons au Mali, avec le lancement du nouveau Système de Gestion de l’Information pour la Protection de l’Enfant (CPIMS+) . Objectif:
— UNICEF Mali (@unicefmali) June 19, 2025
🎯Réponse adaptée à chaque enfant
🤝Coordination renforcée entre les… pic.twitter.com/NaDGCHvGyl
Développé par l’UNICEF avec le soutien de divers partenaires, CPIMS+/Primero (Child Protection Information Management System Plus) permet de centraliser, sécuriser et coordonner les informations sur les enfants victimes de violences, de négligence ou d’abus. Grâce à cette plateforme, chaque enfant suivi dispose d’un dossier électronique consultable par les professionnels autorisés, de la première alerte jusqu’à la résolution du cas.
Le déploiement de cette solution répond au besoin de modernisation du système de protection de l’enfance au Mali, dans un contexte marqué par des défis sécuritaires, sociaux et économiques. CPIMS+/Primero facilite le travail des services sociaux en évitant les doublons, en améliorant la coordination entre les acteurs et en garantissant une traçabilité des interventions.
Après le Bénin qui a déployé la solution plus tôt en février 2025, le Mali rejoint ainsi une dynamique régionale en faveur de l’utilisation du numérique pour la protection des droits des enfants. À terme, cette plateforme pourrait servir de socle pour l’élaboration de politiques publiques basées sur des données fiables.
Adoni Conrad Quenum
Edité par : Feriol Bewa
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Oracle, Naver, Nokia, Cisco… Les grands noms de la tech se succèdent pour poser leurs valises au Maroc. En quelques années, le royaume est devenu un pôle numérique stratégique en Afrique, porté par une vision politique claire, une stabilité attractive et des infrastructures en plein essor.
La semaine dernière, la société d’informatique américaine Oracle a annoncé l’ouverture d’un centre de recherche et développement (R&D) à Casablanca, avec à la clé la création de 1 000 emplois hautement qualifiés. Ce centre sera dédié aux solutions cloud, à l’intelligence artificielle (IA) et à la cybersécurité. Le géant américain n’est pas seul à investir. Quelques jours plus tôt, le Coréen Naver, leader asiatique des technologies numériques, avait lui aussi révélé son intention de créer un centre de données d’IA de nouvelle génération.

Ces annonces illustrent une tendance de fond : le Maroc s’impose comme une plateforme incontournable pour les multinationales désireuses d’étendre leur présence en Afrique. Nokia a lancé fin 2024 un centre d’innovation à Salé. Cisco, Jumia, Atos, Huawei ou encore IBM ont renforcé leurs activités dans le royaume, séduits par un environnement favorable et mature pour les activités numériques.
Une stratégie d’attractivité affirmée
Le Maroc mise d’abord sur sa position géographique stratégique, à la croisée de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Mais c’est surtout la qualité de ses infrastructures numériques qui attire les investisseurs. Le pays compte plus de 20 data centers, l’un des réseaux les plus denses du continent. Il s’est engagé dans la construction de deux régions cloud publiques avec Oracle, une première en Afrique du Nord. Cette dynamique s’inscrit dans une politique ambitieuse de souveraineté numérique et de localisation des données.
La connectivité du royaume est un autre atout majeur. Selon le rapport Digital 2025 Morocco (DataReportal), le pays comptait 35,3 millions d’utilisateurs Internet début 2025, soit 92,2 % de la population totale. Le Maroc est aussi relié à plus d’une dizaine de câbles sous-marins à haut débit, dont le câble 2Africa, l’un des plus vastes projets d’infrastructure numérique au monde.
Un environnement propice à l’investissement
Le cadre fiscal figure parmi les leviers utilisés pour séduire les entreprises. La Loi de Finances marocaine prévoit des exonérations ou des réductions d’impôts pour les sociétés installées dans les zones d’accélération industrielle ou technologique, comme Casanearshore, Technopolis ou Tanger Med.
Le pays s’appuie également sur un capital humain de plus en plus qualifié. Environ 10 000 ingénieurs en technologies de l’information sont formés chaque année, grâce à des partenariats entre universités et entreprises comme Huawei ou IBM, qui déploient des programmes de certification et d’incubation.
Enfin, la stratégie nationale « Maroc Digital 2030 » affiche des ambitions claires : générer 150 000 emplois liés au numérique, numériser la majorité des services publics et positionner le pays comme plateforme technologique régionale. Le renforcement du cadre réglementaire (cybersécurité, e-gouvernement, protection des données) vient consolider un climat de confiance pour les investisseurs.
Une dynamique qui pourrait faire du royaume un acteur clé de la souveraineté numérique africaine et un moteur des innovations technologiques à l’échelle du continent. Selon le dernier classement du site web financier Insider Monkey, le royaume est le pays le plus avancé technologiquement sur le continent africain. Avec un score total de 208, le pays occupe la première place de ce classement de 15 pays.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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La 8ᵉ édition du HackerLab a débuté ce lundi au Bénin. Pendant 48h, 80 jeunes finalistes d’Afrique s’affrontent sur des défis cyber, en marge du Cyber Africa Forum, pour promouvoir un numérique souverain et sécurisé.
C’est parti pour la 8ᵉ édition du HackerLab, l’un des rendez-vous les plus établis et emblématiques de la cybersécurité en Afrique de l’Ouest. Coorganisée par l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) du Bénin et le Cyber Africa Forum (CAF), la compétition s’est ouverte ce lundi à Cotonou, en prélude au CAF 2025. Pendant 48 heures non-stop, du 23 au 25 juin, les meilleurs jeunes talents du continent s’affronteront sur des épreuves techniques exigeantes dans un format Capture The Flag (CTF), autour du thème « Le Projet 403 : Évasion du labyrinthe numérique ».
Après une phase de qualification qui a réuni plus de 500 participants, 20 équipes finalistes, soit 80 jeunes passionnés de cybersécurité, se préparent à relever les défis posés par les experts du bjCSIRT dans un environnement technique simulé. La cérémonie de remise des prix est prévue le mercredi 25 juin au Sofitel Cotonou Marina en présence de décideurs publics et de leaders de l’écosystème numérique africain.
Pour Ouanilo Médégan-Fagla, Directeur du Centre National d'Investigations Numériques (CNIN), cette édition constitue un tournant stratégique : « Nous avons voulu donner à ces jeunes le laboratoire, le bac à sable qu’il faut pour qu’ils puissent faire éclore leur talent. C’est un laboratoire pour eux, mais aussi pour nous. Aucune édition ne ressemble à la précédente. Cette année, l’innovation réside dans l’accent mis sur l’intelligence artificielle et les technologies de virtualisation, mais aussi dans notre collaboration avec le Cyber Africa Forum. L’objectif est clair : exposer nos jeunes au-delà des frontières et les connecter à des opportunités concrètes. »
Alors que plus de 4 millions de postes sont vacants dans le secteur de la cybersécurité à l’échelle mondiale, le continent africain fait face à une pénurie critique de compétences. Une étude de l’ISC2 (2024) révèle que malgré une demande croissante, le volume de main-d’œuvre en cybersécurité reste stable en Afrique. Pendant ce temps, la région subit une propagation massive des cyberattaques : en 2024, plus de 131 millions de menaces web ont été détectées – dont une augmentation de 14 % des attaques de spyware et 26 % des vols de mots de passe, selon Kaspersky. Face à cette double urgence – un déficit flagrant de compétences et une explosion des cybermenaces – le HackerLab se positionne dès lors comme une réponse tangible pour inverser la tendance.
Franck Kié, Commissaire Général du Cyber Africa Forum, souligne l’importance de ce partenariat : « Notre collaboration avec le HackerLab est une réponse directe à l’impératif de renforcer la cybersécurité en Afrique face à la pénurie de professionnels qualifiés. Le succès du HackerLab au Bénin démontre le potentiel immense du continent. Avec ce genre de partenariat, nous créons une plateforme structurée pour former, révéler et connecter la prochaine génération d’experts africains. »
À travers le HackerLab, le Bénin cherche à renforcer son ambition de devenir un hub régional en matière de cybersécurité et fait le pari d’un numérique souverain, résilient et inclusif. Les lauréats bénéficieront de certifications reconnues, formations spécialisées, et d’opportunités de stage auprès d’acteurs majeurs du secteur. Ce laboratoire de talents est un investissement stratégique pour un futur numérique sécurisé en Afrique.

Le Burundi veut mettre les technologies de l’information et de la communication au service du développement socio-économique. Cette intégration touche à plusieurs domaines de la gouvernance publique, dont l’administration fiscale.
L’Office burundais des recettes (OBR) poursuit ses efforts de modernisation en misant sur le partage d’expériences avec d’autres administrations fiscales du continent. Fin de semaine dernière, l’OBR a organisé deux journées de réflexion et d’échanges avec la National Revenue Authority (NRA) de la Sierra Leone, reconnue pour avoir réussi la digitalisation de son système de collecte des recettes publiques.
Cette rencontre s’inscrit dans une dynamique plus large : elle fait suite à une mission similaire organisée environ une semaine plus tôt avec la Liberia Revenue Authority (LRA). Pendant deux jours, les experts de la LRA ont échangé avec ceux du projet e-KORI, dédié à la digitalisation des taxes internes au Burundi. L’ensemble du processus libérien de modernisation fiscale a été analysé en détail. L’OBR estime que le Liberia « a su, après une longue période d’instabilité marquée par la guerre civile, mettre en place avec succès une digitalisation efficace de ses mécanismes de collecte des taxes internes ». L’institution indique également avoir engagé des échanges avec le Bénin.
La stratégie numérique de l’OBR vise à simplifier les démarches fiscales pour les contribuables, automatiser la gestion et la collecte des recettes, et garantir une meilleure fiabilité des données, plus faciles à stocker et à exploiter. À ce jour, l’une des avancées majeures reste le lancement en 2023 d’une plateforme de télédéclaration et de télépaiement. Le site web de l’OBR propose également des services tels que la dénonciation anonyme de faits de corruption, la vérification de validité des documents ou encore l’accès aux informations réglementaires.
L’administration burundaise travaille actuellement à la mise en place d’un système numérique intégré pour la gestion des taxes internes et des recettes non fiscales. L’appel d’offres pour sa fourniture a été lancé le 5 mai. En parallèle, l’OBR intensifie ses efforts de sensibilisation auprès des contribuables pour l’adoption des machines de facturation électronique.
Cette vision de transformation numérique est partagée à l’échelle internationale. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne que la transformation numérique des administrations fiscales vise à rendre le paiement de l’impôt plus simple et moins coûteux. « Si le processus est fastidieux, il génère des coûts importants en temps et en argent pour les contribuables. Et à l’échelle de l’économie, cela peut représenter des pertes considérables, tant en productivité qu’en ressources », explique l’organisation.
Consciente que le numérique n’est qu’un levier parmi d’autres, l’OBR insiste sur la nécessité d’un cadre fiscal clair, évitant les interprétations multiples, d’une meilleure éducation au civisme fiscal, ainsi que d’un suivi renforcé des contribuables, notamment en ce qui concerne l’usage effectif des outils numériques comme les machines de facturation ou les plateformes de messagerie.
Par ailleurs, il conviendrait de rappeler qu’après la numérisation, les populations auront besoin d’un accès concret au numérique pour bénéficier pleinement des services. L’Union internationale des télécommunications (UIT) estime par exemple que près de 90 % des Namibiens n’utilisaient pas Internet en 2023. Environ 80 % de la population ne possédait pas de téléphones mobiles.
Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Ce mardi 24 juin lors du Cyber Africa Forum 2025, dans le cadre du programme Talent4Startups porté par Digital Africa, Epitech Bénin annonce le lancement d’une nouvelle cohorte de 70 jeunes talents africains formés aux compétences clés du développement web, mobile et data. Cette initiative s’inscrit dans la mission d’Epitech de démocratiser l’accès aux métiers du numérique et de répondre aux besoins croissants en compétences tech sur le continent africain.
Ce programme de formation intensif, opéré par la Coding Academy d’Epitech, cible les jeunes talents issus de plusieurs pays africains francophones, dont le Bénin. Il vise à leur transmettre des compétences techniques immédiatement mobilisables sur le marché de l’emploi, tout en favorisant leur insertion dans l’écosystème des startups africaines.
Après une première participation en 2024, Epitech Bénin renouvelle et renforce son partenariat avec Digital Africa en 2025 à travers cette nouvelle cohorte. L’édition précédente avait permis de former 100 jeunes talents, répartis équitablement entre développeurs full stack, data d’une part et futurs product managers d’autre part.
Cette nouvelle promotion de 70 apprenants sera accompagnée par l'équipe de la Coding Academy d’Epitech, avec une pédagogie active centrée sur les projets. L’objectif est double : d’une part, doter les jeunes de compétences techniques solides, et d’autre part, leur permettre d’intégrer rapidement des startups en forte croissance ou au mieux, de lancer leurs propres startups avec l’appui de l’incubateur Future Studio.
Cette initiative illustre le rôle clé que peuvent jouer les partenariats entre acteurs de la formation numérique et plateformes de soutien à l’entrepreneuriat technologique comme Digital Africa. Elle s’inscrit dans le pivot stratégique de cette dernière, qui se concentre désormais sur le financement en amorçage et la structuration d’un vivier de talents numériques à fort potentiel. Le tout avec un objectif clair : propulser les startups africaines au cœur de la transformation économique et sociale du continent.
« Sans Digital Africa et son financement, je n’aurais pu m’inscrire à la Coding Academy d’Epitech. Cette bourse m’a permis d’opérer ma reconversion professionnelle avec succès. Diplômée en imagerie médicale, j’ai eu du mal à débuter une carrière dans ce secteur, quand l’opportunité d’apprendre le développement web et mobile s’est présentée avec Talent4Startups. Les compétences que j’ai acquises en six mois sont impressionnantes. » - Mondoukpè Stella Aguemon – Alumni Talent4Startups 2024
Le financement de Digital Africa pour former ces 70 jeunes s’élève à près de 180 000 euros. Ce financement permet de prendre en charge 95% des frais de formation des jeunes sélectionnés. Ils s’acquittent de 5% des frais de formation, à hauteur d’environ 75000 francs CFA par apprenant, contre 1 500 000 francs CFA (environ 2 300 euros). Une réduction du coût de la formation qui permet de rendre accessible cette formation à des jeunes issus de milieux défavorisés ou en quête d’une reconversion professionnelle vers les métiers du numérique et de la tech.
Au-delà du coût de la formation, l’opportunité qu’offre Digital Africa à travers Talent4Startups et la Coding Academy est une opportunité unique pour ces jeunes de démarrer une carrière et de constituer une main d’œuvre disponible pour combler les besoins en ressources humaines des startups et au-delà, de tout le marché de la tech africaine.
« En formant 70 jeunes cette année, nous impulsons une nouvelle génération de développeurs et de spécialistes data, prêts à relever les défis numériques du continent. Notre mission ? Les outiller pour qu'ils deviennent les fondateurs de startups innovantes ou des intrapreneurs au sein d'écosystèmes tech en plein essor. Accompagnement, mentorat et accès aux réseaux : nous les armons pour qu'ils transforment leurs compétences en ventures ambitieuses et impactantes » - Ghislain Gandjonon – Responsable Epitech Afrique
Les étudiants de la précédente cohorte de Talent4Startups en sont la preuve vivante. Dès la fin de la formation, en moins de 10 jours, chaque apprenant a trouvé un stage avant de rentrer durablement dans le monde du travail.
C’est donc avec la certitude de combler un besoin présent que débuteront les formations de la Coding Academy d’Epitech au profit des 70 jeunes bénéficiaires ce 14 juillet 2025. Les entreprises, notamment les startups, sont les véritables cibles de ce programme. Elles sont invitées massivement à exprimer leurs besoins de ressources humaines via bit.ly/3YJQANs pour participer au salon de recrutement afin de recruter les talents de cette cohorte de développeurs web, mobile et data de Talent4Startups.
Au-delà des 70 bourses Coding Academy d’Epitech, Talent4Startups finance aussi 100 bourses avec la Digital Valley sur des formations en Product Management, Growth Marketing et Tech Lead au profit de startups. Les candidatures pour ces profils sont encore en cours via https://bit.ly/T4S_Entreprises.
À propos d’Epitech
Epitech, l’école supérieure d’informatique de référence, propose un modèle pédagogique unique qui forme à l’excellence en ingénierie logicielle, en IA, Data et en cybersécurité. Nos étudiants construisent des carrières de haut niveau au cœur d’un réseau de 12 500 alumni. Présente dans 20 villes dans le monde. Epitech délivre pour son Programme Grande École en 5 ans un Diplôme d’expert en technologies de l’information visé par le ministère de l’enseignement supérieur. Elle permet aussi de suivre un Programme Master of Science et un Programme Bachelor. Epitech est membre de IONIS Education Group. www.epitech.eu / www.epitech.bj
À propos de Digital Africa
Digital Africa, filiale de Proparco (groupe AFD), agit en faveur du développement de la tech en Afrique. Nous investissons directement dans les startups innovantes, en concentrant nos efforts sur les écosystèmes peu desservis par les investisseurs traditionnels. Son ambition consiste à donner aux entrepreneurs africains les moyens de déployer des solutions innovantes à grande échelle, capables de répondre aux besoins concrets des populations et d’impacter l’économie réelle.

Le Sénégal ambitionne de bâtir une société de l’information en intégrant de manière significative les TIC dans tous les secteurs de son économie d’ici 2034. Dans cette dynamique, le gouvernement multiplie les partenariats stratégiques internationaux.
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko (photo, à gauche), effectue depuis le dimanche 22 juin une visite officielle en République populaire de Chine, accompagné d’une délégation de haut niveau, dont Alioune Sall (photo, au centre), ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. L’objectif affiché de cette mission est de consolider les partenariats technologiques avec Pékin et d’accélérer la transformation numérique du Sénégal.
Le Premier Ministre Monsieur Ousmane SONKO, accompagné d’une forte délégation dont moi même, effectuons depuis le 22 Juin 2025, une mission de haut niveau en Chine afin de renforcer les partenariats clés du #NewDealTechnologique !
— SALL Alioune (@SALLAlioune20) June 23, 2025
Lors de son séjour à Hangzhou, l'une des villes… pic.twitter.com/87kNrpNdqf
À Hangzhou, haut lieu de l’innovation chinoise, la délégation sénégalaise a rencontré plusieurs grandes entreprises telles qu’Alibaba Group, BrainCo (spécialisée dans les interfaces cerveau-machine) et CHINT (leader des solutions énergétiques intelligentes). Les discussions ont porté sur des axes clés tels que le développement d’infrastructures numériques critiques (fibre optique, 5G, intelligence artificielle), ainsi que sur des mécanismes de transfert de compétences et de soutien à l’écosystème des start-up sénégalaises à travers des investissements ciblés, des formations techniques et des coopérations académiques.
Cette visite s’inscrit dans la continuité d’une coopération bilatérale renforcée ces dernières années. En 2023, Dakar et Pékin avaient déjà lancé des projets communs pour numériser le système de transport routier sénégalais. Avec la mise en œuvre de la stratégie nationale « New Deal technologique », le gouvernement ambitionne de faire du numérique un levier central de sa souveraineté technologique et de sa croissance inclusive. De son côté, la Chine continue d’intensifier sa présence en Afrique de l’Ouest à travers des partenariats structurants dans les secteurs stratégiques.
Si cette mission débouche sur de nouveaux accords, elle pourrait ouvrir la voie à des partenariats stratégiques majeurs, notamment en vue des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026, pour lesquels Alibaba Cloud est pressenti comme partenaire technologique. Au-delà de cet événement, cette coopération pourrait jouer un rôle déterminant dans la structuration d’un écosystème numérique sénégalais solide, générateur d’emplois qualifiés et capable de renforcer l’autonomie technologique du pays face aux enjeux du XXIe siècle.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Avec l’essor de l’IA en Afrique, les failles de cybersécurité se multiplient, exposant citoyens, institutions et infrastructures à des attaques de plus en plus subtiles. Dans ce contexte, les autorités peinent encore à contenir l’expansion rapide de la criminalité en ligne.
La cybercriminalité continue de gagner du terrain en Afrique, représentant jusqu’à 30 % des crimes signalés dans certaines régions, notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est, selon le dernier rapport d’évaluation d’Interpol sur la cybermenace sur le continent publié le lundi 23 juin.
📢 New INTERPOL report warns of a sharp rise in cybercrime in Africa.
— INTERPOL_Cyber (@INTERPOL_Cyber) June 23, 2025
🔗 https://t.co/F98W3lS9gm#Cybercrime #INTERPOL
L’évaluation annuelle des cybermenaces africaines souligne une montée en puissance des attaques numériques dans les États membres africains, avec des menaces de plus en plus sophistiquées. Les escroqueries en ligne, notamment via l’hameçonnage, les rançongiciels, les compromissions de courriels professionnels (BEC) et la sextorsion numérique figurent parmi les principales cybermenaces recensées.
Des menaces numériques variées et ciblées
Selon le rapport, certaines attaques ont visé des infrastructures critiques, comme l’Autorité des routes urbaines du Kenya ou encore le Bureau national des statistiques du Nigeria. En Afrique de l’Ouest, des groupes criminels comme le syndicat transnational Black Axe sont pointés du doigt dans des opérations de fraude BEC impliquant des millions de dollars.
Sur le continent, les chiffres sont révélateurs. En 2024, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont enregistré le plus grand nombre de détections de rançongiciels, avec respectivement 17 849 et 12 281 cas. Le Nigeria (3459) et le Kenya (3030) suivent de près, confirmant la vulnérabilité des économies les plus numérisées.
Interpol alerte également sur une explosion des cas de sextorsion numérique, signalée dans 60 % des pays membres africains. Dans de nombreux cas, les images compromettantes utilisées sont souvent générées ou manipulées à l’aide de l’intelligence artificielle.
Des capacités de réponse limitées face à l’ampleur des cyberattaques
Malgré cette recrudescence, les capacités d’enquête et de réponse restent limitées. Neuf pays africains sur dix estiment qu’une amélioration significative de leurs capacités de maintien de l’ordre et de poursuites est nécessaire. Les systèmes de signalement d’incidents, de gestion de preuves numériques ou encore les bases de données sur les menaces sont peu répandus. Seuls 30 % des pays déclarent disposer d’un système de notification, 29 % d’un système de traitement des preuves numériques, et 19 % d’une base de données sur les cybermenaces.
À cela s’ajoutent des défis juridiques et institutionnels. Trois quarts des pays interrogés reconnaissent que leur cadre légal actuel est inadapté. Et 95 % évoquent un manque de formation, de ressources ou d’outils spécialisés pour lutter efficacement contre la cybercriminalité.
Par ailleurs, la coopération régionale et internationale demeure insuffisante. Pour 86 % des pays africains, la lenteur des mécanismes formels, l’absence de réseaux opérationnels et l’accès restreint aux données hébergées à l’étranger entravent les enquêtes. Et 89 % jugent également nécessaire de renforcer leur collaboration avec le secteur privé.
Interpol note cependant des avancées. Plusieurs États africains ont harmonisé leur législation avec les standards internationaux, investi dans des unités spécialisées et participé à des opérations majeures, telles que Serengeti et Carton Rouge, ayant permis plus de 1000 arrestations.
L’organisation appelle à un renforcement de la coopération intergouvernementale et avec le secteur privé, ainsi qu’à l’intégration des technologies émergentes pour mieux anticiper et contrer les menaces. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de l’initiative AFJOC (African Joint Operation against Cybercrime), soutenue par le Royaume-Uni et visant à renforcer les capacités de cybersécurité des États africains.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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L’intelligence artificielle s’impose peu à peu comme un levier de transformation des services publics africains. Si des solutions locales émergent dans la santé, l’éducation ou l’agriculture, leur déploiement à grande échelle reste conditionné par des investissements structurels et un cadre éthique clair.
L’Afrique multiplie les initiatives d’IA pour moderniser ses services publics, notamment dans des secteurs stratégiques comme la santé, l’agriculture ou encore l’éducation. Selon le rapport « Governing in the Age of AI – Unlocking a New Era of Transformation in Africa », publié en avril 2025 par le Tony Blair Institute, l’IA peut accroître la productivité des États, améliorer la transparence et renforcer l’accès à des services essentiels à moindre coût. L’Afrique, qui ne représente encore que 1 % des investissements mondiaux en IA, pourrait tirer parti d’une approche ciblée, fondée sur des cas d’usage concrets et adaptés aux réalités locales.
Santé : diagnostics low-cost et logistique intelligente
En Afrique, les applications de l’IA dans le secteur de la santé se multiplient. Au Nigeria, la start-up Ubenwa a mis au point un algorithme capable d’analyser les pleurs des nouveau-nés pour détecter précocement des signes d’asphyxie, réduisant ainsi la mortalité néonatale dans les zones rurales. À Nairobi, Neural Labs teste NeuralSight, une plateforme d’analyse d’imagerie médicale basée sur l’IA qui permet de diagnostiquer plus de 20 pathologies respiratoires et mammaires à moindre coût.
Agriculture : productivité augmentée à l’échelle des petits exploitants
L’agritech africaine adopte massivement l’IA pour transformer les exploitations. Aerobotics, basée en Afrique du Sud, exploite drones et imagerie satellite pour détecter maladies et ravageurs avant qu’ils ne se propagent, contribuant à augmenter les rendements. Farmerline, au Ghana, a lancé Darli, un chatbot accessible via WhatsApp dans 27 langues africaines, délivrant des conseils agricoles adaptés. Lancé en mars 2024, ce service touche déjà 110 000 agriculteurs. Ces innovations facilitent l’accès à l’expertise agricole, aident à réduire les intrants et renforcent la résilience climatique.
Éducation : assistance personnalisée pour pallier la pénurie d’enseignants
Avec un déficit estimé à 15 millions d’enseignants sur le continent selon l’UNESCO, l’IA est perçue comme un outil d’appui précieux. SkillBridge, en Éthiopie, et M‑Shule, au Kenya, proposent des assistants intelligents qui guident les élèves via SMS ou application, avec un taux de précision de 87 % dans des exercices préparatoires. Afrilearn, de son côté, s’appuie sur un modèle « learn-and-earn » pour permettre aux élèves nigérians d’accéder gratuitement à des ressources pédagogiques enrichies et interactives.

Des stratégies nationales encore inégalement réparties
À ce jour, environ 11 pays africains ont adopté une stratégie nationale d’intelligence artificielle, dont le Rwanda, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, la Tunisie et le Bénin. Selon l’indice AI Readiness Index 2023 de l’Université d’Oxford, la région Afrique subsaharienne obtient une note moyenne de 30,2 sur 100, loin derrière l’Asie de l’Est (52,6). Les principaux freins identifiés : manque d’infrastructures numériques, déficit de données de qualité et faibles capacités institutionnelles.
À l’échelle continentale, l’Union africaine a adopté en 2024 une Stratégie africaine pour l’intelligence artificielle, qui encourage une IA responsable, inclusive et éthique. Ce cadre prévoit notamment le développement de standards de gouvernance des données, la mutualisation des infrastructures régionales et la promotion des innovations locales.
L’IA africaine entre promesse locale et défis systémiques
L’Afrique dispose aujourd’hui de cas d’usage tangibles d’IA à fort impact dans la santé, l’agriculture, l’éducation et la gestion publique. Des start-up suscitées démontrent la capacité du continent à innover localement. Pourtant, sans un effort structurant autour des infrastructures, de la formation des talents et de la gouvernance éthique, ces initiatives risquent de rester marginales.
Le rapport du Tony Blair Institute propose en réponse la création d’un AI Financing Compact for Africa, visant à mutualiser les investissements pour les centres de données, les identités numériques et les programmes de formation certifiante. De son côté, le secteur privé, porté par les start-ups et les hubs technologiques, joue un rôle moteur dans le déploiement de solutions adaptées aux contextes africains.
Samira Njoya
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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Dans un contexte marqué par une régulation plus stricte du secteur fintech en Afrique de l’Ouest, les acteurs du numérique financier doivent innover pour poursuivre leur développement. Fondée en Côte d’Ivoire, Djamo fait figure de pionnière parmi les fintechs francophones, en proposant une solution inclusive qui connecte les populations non bancarisées aux services financiers essentiels. Portée par une récente levée de fonds de 17 millions de dollars, la plus importante jamais enregistrée dans l’écosystème tech ivoirien, l’entreprise entend élargir son champ d’action, tant sur le plan régional qu’en matière de services aux PME.
Dans cet entretien exclusif, Régis Bamba, cofondateur de Djamo, revient sur les grandes étapes de la croissance de la start-up, la concurrence, la pression réglementaire de la BCEAO, ainsi que sa vision de l’inclusion financière en Afrique.
Agence Ecofin : Comment est née l'idée de Djamo ?
Régis Bamba : L'idée vient de mon associé, Hassan Bourgi. À son retour en Côte d'Ivoire, il a rencontré de grandes difficultés pour ouvrir un compte bancaire. Il s’est dit que si lui, avec son profil très digital, peinait autant, qu’en était-il du reste de la population ?
« Ce qui fait avancer le marché, c’est surtout la demande. »
Cette expérience, couplée à un taux de bancarisation encore très faible, nous a confortés dans l’idée qu’il fallait repenser l’accès aux services financiers. Nous nous sommes demandé pourquoi cet accès ne passerait pas, comme pour le mobile money, par le téléphone. C’est ainsi qu’est née l’idée de Djamo. Notre premier produit a été une carte Visa accessible directement via un téléphone.
Agence Ecofin : Quelles ont été les grandes étapes du développement de Djamo ?
Régis Bamba : Djamo a cinq ans aujourd’hui. Nous avons démarré fin 2019 avec les premières lignes de code et la recherche de partenaires. En 2020, malgré la pandémie, nous avons levé 300 000 euros auprès de business angels. Début 2021, nous avons intégré Y Combinator, un accélérateur de start-up basé dans la Silicon Valley, ce qui nous a véritablement propulsés. Fin 2021, nous avons lancé le produit Djamo et obtenu nos premiers clients, avec une croissance rapide.
« Nous avons démarré fin 2019 avec les premières lignes de code et la recherche de partenaires. En 2020, malgré la pandémie, nous avons levé 300 000 euros auprès de business angels. »
En 2022, nous avons dépassé le million de transactions. En 2023, nous avons enrichi notre offre avec des services comme le coffre, les transferts, et surtout un produit d’investissement sur la BRVM – une première pour une fintech, avec une licence officielle. Nous avons aussi lancé nos activités au Sénégal. Fin 2024, nous avons introduit une offre business. Et en 2025, nous avons franchi le cap d’un million d’utilisateurs actifs, c’est-à-dire des utilisateurs effectuant des transactions régulières sur la plateforme.
Agence Ecofin : Comment Djamo se positionne-t-elle par rapport aux banques et aux autres fintechs ?
Régis Bamba : Djamo ne se positionne pas contre les banques. Nous ne sommes pas des concurrents, mais des partenaires. Notre objectif est de créer un pont entre les banques et les populations. Là où les banques n'ont pas toujours la souplesse pour atteindre certains publics, nous apportons une solution technologique qui facilite l'accès à leurs services.
« Là où les banques n'ont pas toujours la souplesse pour atteindre certains publics, nous apportons une solution technologique qui facilite l'accès à leurs services. »
Tous nos produits sont d’ailleurs développés en partenariat avec des banques, conformément à la régulation de l’UEMOA. Ce qui fait notre force, c’est une expérience client fluide, sans paperasse, sans frais cachés, avec un support disponible 24/7. Nous contribuons aussi à l’éducation financière en aidant les clients à découvrir des services bancaires au-delà du simple mobile money.
Ce dernier reste utile, mais limité : dépôts, retraits, transferts. Pour une inclusion financière complète, il faut aller plus loin : accès au crédit, à l’investissement, à l’épargne. Djamo se positionne donc comme un acteur complémentaire, agile, capable de travailler aussi bien avec les banques qu’avec d’autres fintechs, pour améliorer l’inclusion et l’éducation financière.
Agence Ecofin : Malgré un taux d’inclusion financière supérieur à 83 % grâce aux services électroniques, le taux de bancarisation reste autour de 25 %. Pourquoi, selon vous, les banques ont-elles autant de mal à toucher la population ?
Régis Bamba : Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, la banque est un métier exigeant : il s’agit de gérer l’argent des gens, avec des obligations strictes imposées par la Banque centrale. Ces contraintes peuvent parfois nuire à l’expérience client. Ensuite, beaucoup de banques n’ont pas une culture de l’innovation. Elles fonctionnent comme de grandes structures peu flexibles, alors que les besoins évoluent très vite dans un monde de plus en plus digital.
Les clients s’attendent à des services accessibles, simples, disponibles en ligne. Or, beaucoup de banques ont du mal à répondre à ces attentes, en particulier chez les jeunes.
Prenons l’exemple de l’ouverture d’un compte : dans une banque traditionnelle, cela demande de se déplacer, remplir des papiers, perdre du temps. Avec Djamo, quelques clics suffisent pour obtenir un RIB, sans quitter son bureau.
« Prenons l’exemple de l’ouverture d’un compte : dans une banque traditionnelle, cela demande de se déplacer, remplir des papiers, perdre du temps. Avec Djamo, quelques clics suffisent pour obtenir un RIB, sans quitter son bureau. »
Aujourd’hui, à l’ère de l’intelligence artificielle et de la dématérialisation, les banques doivent adopter une approche plus ouverte. Elles gagneraient à s’appuyer sur des fintechs comme la nôtre, plus agiles, plus technologiques, pour innover tout en restant dans le cadre réglementaire existant.
Agence Ecofin : En avril 2025, vous avez réalisé la plus grande levée de capital-risque en Côte d'Ivoire avec 17 millions de dollars mobilisés. Alors, quels sont les objectifs visés avec ces fonds ?
Régis Bamba : L’objectif, c’est clairement la croissance. En tant que start-up, notre ambition est d’avoir une trajectoire exponentielle. Cet argent va nous permettre d’investir dans la recherche et le développement pour trouver les bons leviers de croissance. Il servira aussi à construire les fondations nécessaires pour renforcer les partenariats que nous développons, notamment avec les banques. L’idée, c’est d’offrir toujours plus de services bancaires – comme le crédit, l’épargne, voire de l’investissement – tout en gardant la simplicité et l’accessibilité du Mobile Money. C’est un modèle que les gens maîtrisent bien, donc on veut s’en inspirer pour rendre les services bancaires aussi faciles d’accès que le Mobile Money.
Agence Ecofin : L’un des enjeux de cette levée est aussi de proposer des solutions adaptées aux besoins des PME, qui peinent encore à accéder au financement. Que préparez-vous de ce côté-là ?
Régis Bamba : Les PME, qui sont aussi parmi nos clients, nous disent toutes la même chose : elles aimeraient bénéficier de la simplicité de Djamo pour leur entreprise. Aujourd’hui, ouvrir un compte courant pour une société est encore trop compliqué et frustrant. Et dans notre base d’utilisateurs, on observe un segment d’entrepreneurs informels – ceux qui ont un emploi, mais développent aussi une activité à côté, ce qu’on appelle ici un "gombo". Avec le temps, ces activités se professionnalisent et ces entrepreneurs veulent pouvoir faire grandir leur entreprise avec des outils plus adaptés.
Notre défi, c’est donc de leur proposer des solutions professionnelles, tout en conservant la flexibilité qui fait la force de Djamo. Mais on avance prudemment : on veut d’abord bien comprendre leurs besoins, et surtout s’assurer qu’on dispose du cadre réglementaire adéquat pour proposer ces offres. C’est une évolution naturelle pour nous, car notre clientèle évolue aussi. On veut donc adapter notre simplicité au monde de l’entreprise – mais ce sera progressif.
Agence Ecofin : Vous avez évoqué votre présence au Sénégal depuis 2023. Quelles sont aujourd’hui vos ambitions d’expansion régionale ou internationale ?
Régis Bamba : Pour l’instant, nous restons concentrés sur la Côte d’Ivoire et le Sénégal, qui sont nos deux marchés prioritaires. Ce sont aussi les deux plus gros marchés de l’UEMOA. Il y a encore énormément d’opportunités à explorer dans ces pays, que ce soit en termes de services ou de segments de clientèle. Si demain, une expansion devait se faire, elle se ferait logiquement dans d’autres pays de l’UEMOA, car ils partagent la même réglementation. Cela simplifie beaucoup les choses : on connaît déjà les règles, les exigences en matière de conformité.
« Si demain, une expansion devait se faire, elle se ferait logiquement dans d’autres pays de l’UEMOA, car ils partagent la même réglementation. »
Mais pour le moment, notre stratégie, c’est de creuser en profondeur ces deux marchés. On veut y lancer de nouveaux services, consolider ceux qui existent déjà et toucher plus de personnes.
Agence Ecofin : Depuis le 6 mai, la BCEAO a lancé une campagne de régulation stricte du secteur des fintechs dans l’UEMOA, imposant des exigences renforcées pour l’agrément des établissements de paiement. Cela a conduit à des suspensions brutales d’activités, notamment au Sénégal, suscitant des inquiétudes. Comment Djamo s’adapte-t-il à ce nouveau cadre ?
Régis Bamba : Il faut rappeler que ce processus n’a pas démarré récemment. Cela fait deux ans que le sujet est sur la table, avec pas mal de pédagogie de la part du régulateur. Les fintechs ont donc eu le temps de s’y préparer. Ce qui s’est passé dernièrement au Sénégal est peut-être soudain dans sa forme, mais reste cohérent avec les annonces de la BCEAO.
De notre côté, nous étions prêts. Nous avons pris les devants, fait le nécessaire, et nous n’avons pas été impactés par ces suspensions. Malheureusement, certaines fintechs ont été touchées malgré leur volonté de se mettre en règle, mais on voit que la BCEAO commence à régulariser leur situation. Des agréments ont été délivrés récemment à celles qui étaient dans les clous.
Il faut aussi noter que cette situation ne concerne que le Sénégal. Les autres pays de l’UEMOA n’ont pas été particulièrement affectés. À mes yeux, c’est un passage obligé pour structurer et consolider l’écosystème. La BCEAO est plutôt ouverte à l’innovation, comparée à d’autres zones. Mais comme il s’agit d’argent, il est normal d’avoir un cadre rigoureux.
« La BCEAO est plutôt ouverte à l’innovation, comparée à d’autres zones. Mais comme il s’agit d’argent, il est normal d’avoir un cadre rigoureux. »
L’idée, c’est de permettre l’innovation dans un environnement sain et sécurisé. Et avec les projets en cours, notamment celui sur l’interopérabilité, je pense qu’on avance dans la bonne direction pour renforcer l’inclusion financière.
Agence Ecofin : Le secteur fintech ivoirien connaît un essor remarquable. Entre les acteurs comme vous, Push, Wave, ou les opérateurs télécoms qui se lancent aussi dans la fintech, la dynamique semble bien enclenchée. Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce développement ?
Régis Bamba : Plusieurs tendances l’expliquent. D’abord, l’accès à Internet s’est nettement amélioré. Les prix ont beaucoup baissé, ce qui a permis à un plus grand nombre de personnes de se connecter. Ensuite, les smartphones sont devenus beaucoup plus abordables. Aujourd’hui, avec 30 000 ou 40 000 FCFA, on peut s’en procurer un. Cela n’était pas le cas il y a encore quelques années.
Tout cela a fait évoluer les usages : les gens sont de plus en plus connectés. Certains événements se déroulent entièrement en ligne, et la pandémie de Covid a accéléré cette digitalisation. Même nos parents et grands-parents sont désormais à l’aise avec WhatsApp ou les appels vidéo.
À cela s’ajoute un environnement réglementaire relativement favorable à l’innovation. La BCEAO joue un rôle facilitateur. Et surtout, la population est très réceptive. Le passage du cash au mobile money a été rapide, et aujourd’hui, on peut quasiment tout payer avec son téléphone. Cette adoption massive prépare le terrain pour la prochaine étape : la banque digitale.
« Aujourd’hui, on peut quasiment tout payer avec son téléphone. Cette adoption massive prépare le terrain pour la prochaine étape : la banque digitale. »
Les gens veulent désormais aller au-delà du simple dépôt ou retrait. Ils commencent à se poser des questions sur l’épargne, l’investissement, l’accès au crédit, etc. Cela crée une demande à laquelle les innovateurs peuvent répondre.
Enfin, il y a un contexte économique et politique relativement stable en Côte d’Ivoire. C’est un vrai facteur d’attractivité. Comparé à d’autres pays de la région comme le Nigeria ou le Ghana, qui sont confrontés à la dévaluation de leur monnaie, la Côte d’Ivoire offre plus de visibilité et de sécurité. Cela attire des entrepreneurs et des investisseurs qui voient dans ce pays un bon point de départ pour développer leurs projets.
Agence Ecofin : Peut-on dire que le gouvernement ivoirien accompagne activement cette dynamique ?
Régis Bamba : Oui, on peut le dire. Mais selon moi, ce n’est pas le principal moteur. Ce qui fait avancer le marché, c’est surtout la demande. Les besoins sont là, et des entrepreneurs y répondent avec des solutions concrètes. C’est la logique du marché : quand il y a une demande claire, et un environnement stable, les projets se lancent naturellement.
Comparé à d’autres marchés plus risqués, ici, les entrepreneurs n’hésitent pas. Le contexte est rassurant. C’est ce qui explique aussi pourquoi certains acteurs étrangers commencent à s’installer en Côte d’Ivoire.
Agence Ecofin : En parlant de la sphère anglophone, votre levée de fonds de 17 millions de dollars en 2024 dépasse celle de 2022 (14 millions). Mais comparée aux montants mobilisés dans des pays comme le Nigeria ou le Kenya, cela reste encore modeste. Qu’est-ce qui explique cette différence entre les zones francophone et anglophone ?
Régis Bamba : Ces marchés sont tout simplement plus matures que les nôtres. Ils ont pris de l’avance, sans doute parce qu’ils ont osé prendre certains risques plus tôt. Résultat, leur écosystème a évolué plus rapidement, avec davantage de compétences disponibles. Et comme il n’y a pas de barrière linguistique, les investisseurs internationaux s’orientent naturellement vers ces pays. Il faut aussi noter que ce sont de grands marchés : Nigeria, Kenya, Ghana… Cela leur donne une attractivité certaine.
Mais la tendance évolue. Dans la zone CFA, nous avons des environnements économiques plus stables, sans dévaluation monétaire, ce qui rassure les investisseurs. Et ces derniers commencent à en prendre conscience.
« Dans la zone CFA, nous avons des environnements économiques plus stables, sans dévaluation monétaire, ce qui rassure les investisseurs. Et ces derniers commencent à en prendre conscience. »
La levée de fonds que nous avons réalisée en est une preuve concrète : c’est la plus importante jamais réalisée par une start-up ivoirienne. Cela montre que c’est possible et que la francophonie attire désormais l’attention.
À nous maintenant, en tant qu’entrepreneurs, d’être à la hauteur. Il faut proposer des solutions innovantes, solides et pérennes, capables de convaincre durablement les investisseurs. Je suis convaincu que c’est un mouvement qui va s’amplifier. Chez Djamo, on commence déjà à voir cette dynamique : certains de nos collaborateurs sont inspirés au point de vouloir lancer leur propre entreprise, que nous pourrons accompagner. Cela crée un écosystème vertueux, dans lequel d’autres fintechs viendront aussi se greffer. Dans cinq ans, je suis persuadé que l’Afrique francophone aura considérablement gagné en maturité, au point de peser très lourd dans la tech africaine.
Agence Ecofin : Face à la montée de la concurrence sur votre segment, avec des acteurs qui proposent des services similaires, comment Djamo entend-il garder son avance ?
Régis Bamba : Il faut garder en tête que nos marchés restent jeunes. La vraie concurrence, ce n’est pas une autre fintech : c’est le cash. Aujourd’hui, 80 % des transactions en Afrique subsaharienne se font encore en espèces. Cela veut dire que nous avons un terrain immense à conquérir, et qu’il y a de la place pour plusieurs acteurs. En général, on ne se marche même pas sur les pieds, chacun allant chercher un segment non encore converti.
« La vraie concurrence, ce n’est pas une autre fintech : c’est le cash. Aujourd’hui, 80 % des transactions en Afrique subsaharienne se font encore en espèces. »
Bien sûr, certains avancent plus vite, mais cela ne menace pas nécessairement les autres. Chez Djamo, nous misons sur la collaboration. Il y a des enjeux cruciaux comme la sécurité des transactions, la protection des données ou encore la lutte contre la fraude. Ce sont des défis qu’aucune fintech ne peut relever seule. Nous avons donc choisi d’ouvrir notre plateforme à d’autres acteurs, pour créer un écosystème intégré. Ce modèle coopératif est, à mon sens, la meilleure voie pour faire progresser l’inclusion financière.
Agence Ecofin : Et sur le plan social, quel rôle doivent jouer les fintechs dans des pays comme la Côte d’Ivoire ?
Régis Bamba : Selon moi, l’éducation financière est le pilier principal. Dans nos systèmes éducatifs, ce sujet est largement absent, alors qu’il détermine énormément la qualité de vie future des individus. Une fintech a donc le devoir de former ses utilisateurs, de les aider à comprendre comment gérer leur argent intelligemment.
Chez Djamo, nous y consacrons beaucoup de ressources. Chaque produit est conçu pour être simple, accessible, et nous créons du contenu – vidéos, articles, tutos – pour accompagner l’utilisateur. L’idée, c’est de transmettre des compétences réutilisables, même sur d’autres plateformes. C’est cela, pour moi, la vraie valeur sociale d’une fintech.
Agence Ecofin : L’éducation financière manque souvent dès le plus jeune âge…
Régis Bamba : Exactement. Et les conséquences sont visibles : régulièrement, on voit des vagues d’arnaques type Ponzi, ou des investissements douteux qui séduisent des gens mal informés. Notre rôle, c’est de sensibiliser, de rappeler que la vraie richesse se construit sur la durée, avec de bonnes habitudes. Cela passe aussi par des prix accessibles. Grâce à la technologie, nous réduisons nos charges – pas besoin d’ouvrir cinq agences, tout se fait à distance. Ces économies, on peut les répercuter sur le client pour proposer des tarifs plus bas. C’est ainsi qu’on crée un cercle vertueux qui facilite l’adoption du digital.
Agence Ecofin : Une dernière question : envisagez-vous, à terme, une entrée en bourse, notamment à la BRVM ?
Régis Bamba : C’est une piste que nous ne négligeons pas. Étant donné notre position dans l’écosystème, nous avons au moins le devoir d’y réfléchir sérieusement. La BRVM est un pilier de l’environnement financier régional, et cela aurait du sens d’y inscrire un modèle comme le nôtre. Bien sûr, cela devra aussi faire sens pour les investisseurs et pour Djamo. Mais ce n’est pas à exclure. C’est une option crédible dans notre vision à long terme.
Interview réalisée par Charlène N’dimon