L’Agence Ecofin dresse le bilan et une analyse des levées de fonds des start-up africaines au cours des deux premiers mois de 2022. Une année déjà marquée par une flopée de deals, mais aussi, une hausse des montants reçus, des signaux d'une nouvelle série de records après les performances de l’exercice 2021.
Alors que l’année 2021 s’est conclue par un record absolu en matière de levées de fonds, l’écosystème start-up africain a le vent en poupe en ce début d’année. Après un premier mois de janvier prolifique, Février s'est inscrit dans le même trend des records. Jamais le niveau des investissements n’a été aussi haut sur les deux premiers mois de l’année.
Selon des données combinées de la plateforme Africa : The Big Deal et de l’Agence Ecofin, au moins 1,2 milliard $ ont été déjà levés par les jeunes pousses opérant en Afrique cette année. À titre de comparaison, ce chiffre n’a pas excédé les 400 millions $ en 2021 sur la même période. L’an dernier, il a fallu cinq mois pour atteindre ce niveau d’investissements, et neuf mois en 2020. A ce rythme, les injections de fonds dans les start-up africaines pourraient atteindre plus de 7 milliards $ en 2022, soit près du double des réalisations de 2021.
159 opérations, 2 big deals
La confiance des investisseurs dans l’univers de l’entrepreneuriat et de l'innovation africaine va crescendo. Quelque 159 opérations ont marqué ce début d’année, c’est presque le double du nombre de deals recensés à la même période en 2021 (83 opérations recensées). Les tours d’amorçage continuent de se tailler la part du lion. Et même si les rondes de petites tailles semblent tenir le pari, les opérations plus avancées maintiennent également le cap.
D’abord, les séries A se sont multipliées. On en recense déjà au moins 9. Autre fait intéressant, l’écosystème a battu en deux mois, le record du nombre de séries D sur une année calendaire, avec les opérations du Ghanéen mPharma (35 millions $) qui fournit des médicaments en dépôt aux pharmacies et la fintech nigériane Flutterwave (250 millions $). L’autre opération d’envergure est le tour de table de 100 millions $ d’InstaDeep, la start-up tunisienne, spécialiste de l’intelligence artificielle, qui travaille dans la biotech.
La fintech toujours en tête
Menée par la licorne nigériane, devenue la plus importante start-up africaine en matière de valorisation, la fintech africaine démarre 2022 sur les chapeaux de roue. Pas moins de 50 opérations sur les 160 dénombrées concernaient les solutions de technologies financières, soit 20 de plus qu’en 2020 à la même période. Les investissements dans le secteur ont franchi la barre des 530 millions $. A la même période en 2021, la fintech n’avait capté que 150 millions $.
Derrière la fintech, les solutions en matière d’énergie et d’eau sont celles qui ont attiré le plus d’opérations, au total 22 transactions, mais des deals, dans leur grande majorité, de petites tailles pour un total de seulement de 26 millions $. Ce montant reste deux fois plus faible que celui de 2021 (plus de 50 millions $)
Des Percées et des baisses
En collectant 91 millions $ en février, le Sud-Africain des communications mobiles et du chat-commerce, Clickatell, a fortement contribué à la percée du secteur des télécoms, média Entertainment. Ce progrès est également à l’actif de Poa Internet, le fournisseur d’accès à Internet kényan qui a annoncé en janvier le premier closing de son tour de financement de 28 millions $, une opération menée par Africa50. Au total, le secteur timide en 2021, a déjà reçu sur les deux premiers mois, en seulement 6 opérations, six fois plus d’investissements que pendant toute l’année 2021. Cependant, certains secteurs comme l’EdTech et le recrutement ou l’e-santé ont perdu du terrain en glissement annuel.
Le Nigeria, la start-up nation africaine
Avec plus de 34% des deals, le Nigeria continue de consolider son hégémonie dans l’univers start-up africain, drainant trois fois plus d’investissements qu’à fin février 2021. Les start-up opérant au Nigeria ont reçu au total 392 millions $, soit environ 32% des levées de fonds globaux. Ces financements sont allés dans leur plus grande majorité à la fintech (335 millions $, un peu près de 85%), ce qui représente plus de 70% des fonds levés par le secteur au cours de la période sous-revue.
De leur côté, le Kenya, l’Egypte, l’Afrique du sud, de loin les poursuivants directs de la première économie africaine en termes de PIB, suivent le pas. Ensemble, ces “top start-up nations africaines” concentrent plus de 80% des financements reçus des capital-risqueurs axés sur l’Afrique.
Qui investit dans les start-up africaines ?
Plus de 320 investisseurs ont déjà participé aux différents cycles de financement des start-up africaines durant ces deux premiers mois de l'année.
Alors que de plus en plus d’investisseurs à travers le monde se tournent vers l’Afrique, ce sont les sociétés américaines de capital-risque qui semblent les plus actives sur le continent. Elles sont citées au moins 180 fois dans les cycles de financement de ce début d’année. La première place revient à l’accélérateur californien Y Combinator qui apparaît dans 14 opérations. L’US African Development Foundation (USADF), nouvellement arrivé sur le marché africain, monte déjà sur la deuxième marche du podium. Les investisseurs asiatiques eux sont menés par le Japon. Le Japonnais Kepple Africa Ventures continue d’étendre ses intérêts sur le continent alors que d’importants acteurs nippons, notamment SoftBank Group font leur première semence sur le continent depuis 2019.
Au-delà de tout, l’Afrique se finance en partie, en témoigne la présence marquée d’investisseurs africains traditionnels tels que le Mauricien Launch Africa (13 deals en 2022 et 80 depuis 2019), et le Nigerian LoftyInc Capital Management (8 deals, 54 depuis 2019). Aussi, de nouveaux capital-risqueurs comme le Nigerian All On (13 deals) émergent-ils.
Fiacre E. Kakpo
Au cours des six dernières années, la jeune femme de 28 ans a mûri son projet afin de lui faire gagner en crédibilité. C’est chose faite depuis l’année dernière au regard de l’intérêt qu’il a suscité auprès d’un opérateur télécoms de renom.
Trouver facilement n’importe quel professionnel en un clic, que ce soit un professeur particulier, un électricien, une nounou, un photographe et bien d’autres, est l’objectif que s’est fixé Lady Nancy Nemanzouer Nguie (photo) avec le projet numérique Service Express.
Il s’agit d’un moteur de recherche de professionnels du service au Cameroun qu’elle veut sécurisé. L’idée lui a valu la deuxième place du prix Orange de l’entrepreneur social en Afrique et au Moyen-Orient (Poesam) 2021, la somme d’1 million FCFA (près de 1500 $) et une incubation de 6 mois au sein de l’incubateur Ecolia Labs.
Service Express a germé dans l’esprit de Lady Nancy Nemanzouer Nguie il y a 6 ans. Alors étudiante en biochimie et résidente d’une cité universitaire, la jeune Camerounaise et ses voisins sont victimes d’une escroquerie de la part d’un électricien. Ils l’avaient contacté à la suite d'une coupure d’énergie qui perdurait depuis une semaine. « Cette mauvaise expérience [...] m'a donné envie de créer un espace où on pourrait en tout temps résoudre ces petits problèmes du quotidien qui peuvent vite devenir de gros obstacles », raconte-t-elle.
Après l’obtention de sa licence en biochimie, Lady Nancy Nemanzouer Nguie va donner une nouvelle orientation à sa vie en 2019 afin d’aller au bout de son idée de service. Elle rejoint l’Ecole supérieure des postes, des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (SUP’PTIC) pour une formation en management des télécoms. Elle souhaite en apprendre davantage sur l’univers technologique. « Je voulais me rapprocher plus de ma vocation d'entrepreneur », explique-t-elle.
Avec son rêve à portée de main, renforcée par la reconnaissance que lui a témoigné le jury du Poesam, Lady Nancy Nemanzouer Nguie voit déjà en sa solution une portée plus grande. Elle projette déjà de pousser la plateforme qui regroupe déjà une trentaine de professionnels issus des domaines tels que la plomberie, l’électricité, au niveau continental.
Ruben Tchounyabe
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Agée de 30 ans, elle s’est déjà constitué une communauté de clients à force de courage et de détermination. Son ambition est grande au regard des investissements qu’elle souhaite déployer pour satisfaire davantage de consommateurs.
Hawa Bah (photo) est une entrepreneure opérant dans le secteur du e-commerce. Originaire du Mali, elle a mis en place Local Market Bamako, une place de marché en ligne de produits alimentaires africains. Son objectif est de satisfaire la demande en produits alimentaires locaux et des pays voisins, ainsi qu'en produits alimentaires importés, dans la capitale de son pays et ses alentours. Avec son service essentiellement basé sur le web et les réseaux Facebook et WhatsApp, Hawa Bah a remporté le troisième Prix Orange de l'Entrepreneur Social en Afrique et Moyen-Orient 2021 (Poesam) et la somme de 3 000 000 FCFA (5 000 $).
La jeune entrepreneure explique que son activité a deux volets. « Nous faisons dans le cadre de la restauration, la préparation et la livraison de repas (déjeuner) cuisinés aux organisations et particuliers, et aussi la couverture d'événements (service traiteur) […] nous faisons quotidiennement des plats africains : Kedjenou, foutou, tchièp, poisson et poulet braisé, woudjoula, sauce arachide, etc. »
« Dans le cadre de la vente de produits alimentaires, nous distribuons l’attiéké frais, la banane plantain, les fruits de mer et divers aux supermarchés, restaurants et particuliers. Nos plats et produits sont soit livrés par des livreurs aux clients ou soit collectés par eux ou leurs coursiers », explique-t-elle.
Titulaire d’un master 2 en gestion d’entreprise et administration de l'Ecole supérieure des hautes études technologiques et commerciales (HETEC) de Bamako, Hawa Bah s’est lancée dans le monde de l’entrepreneuriat après sa formation. Elle a lancé la page Facebook de Local Market Bamako en juillet 2019.
Aujourd’hui, au regard du succès rencontré, elle souhaite mieux organiser son activité. Elle voudrait doter Local Market Bamako, qui jouit déjà d’un site marchand, d’une application mobile afin de renforcer sa visibilité et faciliter le processus commande/achat aux clients, d’équipements pour proposer des services pour le petit déjeuner et le dîner en plus du déjeuner, d’un local pour abriter les différentes activités, le personnel et assurer le service sur place, d’une chambre froide pour élargir sa gamme de produits et augmenter sa capacité de stockage et de conditionnement. Du haut de ses 30 ans, Hawa Bah rêve grand.
Adoni Conrad Quenum
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Depuis 2012, Zakaria Ghassouli a fortement contribué à la croissance qu’a connu la plateforme de petites annonces Avito.ma au Maroc. Pour l’année 2022, il annonce une offre dédiée aux TPE et PME.
Diplômé en management financier à l’université Cadi Ayyad de Marrakech, Zakaria Ghassouli (photo) a également mené des recherches en information et technologies à l'université Ryerson au Canada. En 2012, il a rejoint la start-up d’e-commerce Avito.ma en tant que responsable Finances et Administration. Suite à la fusion entre Bikhir et Avito en 2014, il a occupé des fonctions clés dans la start-up, en finance ou encore en tant que directeur Produit et Business Development. En 2016, il est nommé directeur des opérations et de la stratégie, et un an plus tard, il devient le nouveau directeur général d'Avito.ma.
Désormais à la tête de Avito.ma, Zakaria Ghassouli veut en faire la plateforme leader pour les petites annonces au Maroc. En octobre 2020, la start-up a été rachetée par le malaisien Frontier Digital Ventures après 6 ans sous le contrôle du norvégien Adevinta. La nouvelle maison-mère a réalisé un tir groupé, en dépensant 56 millions de dollars australiens (plus de 40 millions de dollars américains), pour l’acquisition d’Avito.ma, du site tunisien de petites annonces Tayara.tn, et du portail d’annonces immobilière colombien Fincaraiz.com.
« Ça nous permet de continuer d’exécuter notre stratégie et de poursuivre la mission qu’on s’est fixée, c’est-à-dire accompagner les Marocains dans la recherche des meilleures opportunités à chaque étape de leur vie », avait-il affirmé.
Fidèle à ses ambitions de développement, il a annoncé le 6 mars 2022, une nouvelle offre ciblant les TPE et PME. Baptisée avitoboutiques.com, elle a pour but de faciliter la transition des entreprises vers l'espace numérique et d'exposer leurs marques à des millions de clients potentiels. La décision de lancer une plateforme de magasins numériques a été motivée par une augmentation marquée du nombre de magasins créés sur la plateforme Avito.ma en 2022. En plus de cela, avitoboutiques.com fournira des analyses de données pour aider les chefs d’entreprise à prendre de meilleures décisions afin d'améliorer l'expérience client.
Avito.ma revendique plus de 6 millions de visiteurs uniques et plus de 28 millions de visites par mois. Déjà présente dans l'automobile, l'immobilier et l'informatique/multimédia, la nouvelle plateforme avitoboutiques.com va donc permettre à la start-up de toucher d’autres secteurs.
« En tant que première place de marché au Maroc, nous avons décidé d'accompagner les professionnels dans leur transition vers le numérique en leur offrant la possibilité de toucher plus de 8,4 millions de contacts potentiels par mois », a précisé Zakaria Ghassouli.
Aïsha Moyouzame
Bien que leur nombre soit encore très réduit, elles multiplient les initiatives fortes pour se fédérer et briser les barrières qui les ont retenus jusqu’à présent. Formation, réseautage, financement sont au cœur de la stratégie panafricaine d’éveil en cours de déploiement avec le soutien de divers partenaires.
Dans son rapport « 2021 AFRICA TECH VENTURE CAPITAL », Partech révèle qu’un total de 134 start-up fondées par des femmes enregistrées en 2021 a effectué un tour de table contre 47 opérations financières comptabilisées en 2020, soit une croissance de +285%. Les start-up fondées par des femmes ont réalisé 20% des 681 tours de table enregistrés l’année dernière, en croissance de 7% comparé à 2020 (13%). Elles ont obtenu 834 millions $, en croissance de +281% par rapport à 2020. Ce montant représente 16% du total des 5,2 milliards $ d’investissement levés en 2021 par des start-up, en hausse de 2% par rapport à 2020 (14%).
Pourcentage de fonds levés et de tours de tables effectués par des tech entrepreneurs africaines (Source : Partech)
Bien que ces données montrent une progression dans le volume d’investissements captés par les tech entrepreneurs africaines d’une année à une autre, Briter Bridges déplore tout de même un niveau très faible au cours des neuf dernières années.
Beaucoup reste à faire
Dans son rapport « In Search Of Equity Exploring Africa’s Gender Gap in Startup Finance » publié en octobre 2021, Briter Bridges indique qu'entre janvier 2013 et mai 2021, un total de 1 112 start-up opérant à travers l'Afrique ont mobilisé un total de 1,7 milliard $ de financements de démarrage. Parmi ces entreprises, 75% avaient des équipes exclusivement masculines, 9% des équipes exclusivement féminines et 14% des équipes fondatrices mixtes. « Seulement 3% des financements de démarrage sont allés à des équipes fondatrices entièrement féminines, contre 76% pour les équipes entièrement masculines », souligne la société de recherche axée sur les données, basée à Londres et fondée en 2018. Selon elle, cela signifie que pour chaque « dollar investi dans des équipes fondatrices entièrement féminines, les équipes entièrement masculines ont reçu 25 $ ».
Volume d’investissement levé par genre de fondateur (Source : Briter Bridges)
Sur la faible présence des tech entrepreneurs africaines dans le captage de l’investissement, Partech et Briter Bridges s’accordent à dire qu’elle s’explique en partie par la faible présence des femmes dans les segments porteurs comme la Finance, la logistique, le transport. Elles préfèrent en majorité les secteurs du commerce de détail et des services, qui nécessitent moins de capitaux et présentent moins d'obstacles à l'entrée. De plus, les tech entrepreneurs masculins, d’abord plus nombreux, sont également plus susceptibles d'opérer dans des sous-secteurs qui attirent moins d'investissements tels que l'edtech ou la healthtech, accentuant la concurrence.
La représentation du genre dans les différents secteurs tech (Source : Briter Bridges)
Il y a aussi le tempérament des investisseurs. « Même lorsqu'elles travaillent dans des secteurs suscitant un grand intérêt de la part des investisseurs, les équipes entièrement féminines sont toujours moins susceptibles de recevoir un financement que les équipes entièrement masculines, et elles reçoivent des montants plus faibles lorsqu'elles obtiennent un financement », note Briter Bridges. Enfin, plusieurs autres types d’obstacles entravent encore une plus grande présence des femmes dans la tech industrie africaine, notamment la faible présence des jeunes filles dans les filières scientifiques (STEM) ; un réseau d’affaires plus faible, essentiellement composé de femmes. Mais des initiatives se multiplient pour aider les tech innovatrices à surmonter ces barrières.
Formation et financements ciblés
Au cours des dix dernières années, le soutien aux Africaines dans le numérique a gagné en intérêt. La transformation numérique s’accélérant au fil des ans, les formations dans les compétences numériques à leur endroit se sont multipliées. De nombreux partenaires internationaux et locaux comme la Banque mondiale, l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD) ou encore la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA), la Fondation Bill et Melinda Gates, Google, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) s’y sont impliqués. De son côté, depuis 2015, Orange a investi dans des maisons digitales dans ses 16 marchés d’Afrique pour former les femmes aux compétences numériques, en plus des programmes dédiés que le groupe soutient déjà. Des pôles de financement ciblés ont également déjà été lancés par divers acteurs, notamment Alitheia Capital, fonds de capital-investissement de 100 millions de dollars, cofondé par Tokunboh Ishmael et Polo Leteka Radebe. Il y a FirstCheck Africa, collectif d'investisseurs et fonds d'investissement dirigés par des femmes et axés sur les femmes, cofondé par Eloho Omame et Emmanuel Bocquet. Il y a aussi WeFundWomen, communauté d'investissement intelligente fondée par Hope Ditlhakanyane pour les start-up en Afrique en les connectant à des capitaux démocratisés. Akazi Capital de Liebe Jeannot, est un fonds d'impact « crowdfunding », qui investit jusqu'à 250 000 $ dans des entreprises en phase de démarrage détenues et dirigées par des femmes en Afrique subsaharienne.
Muriel Edjo
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En Afrique, la digitalisation entraîne des changements importants dans le fonctionnement traditionnel de plusieurs secteurs stratégiques. Du commerce à l'agriculture en passant par l’éducation, c'est une multitude d'opportunités qui s'offre aux différents acteurs grâce aux innovations technologiques. We Are Tech vous dévoile le potentiel de ces transformations à travers plusieurs secteurs clés. Dans ce troisième épisode de la série, découvrez comment les jeunes pousses technologiques du continent utilisent l’internet des objets, le big data et d’autres outils numériques pour simplifier et réduire le coût de la logistique et du transport.
Potentiel énorme mais peu développé
Le 1er janvier 2021, la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est entrée en vigueur, marquant la création d’un marché commun de 1,4 milliard de consommateurs et cumulant un PIB de 2,6 billions $. Pour faire de cette grande avancée vers l’intégration économique chère à l’Union Africaine, un succès, l’un des défis réside dans la mise en liaison des fournisseurs avec les consommateurs. Si la suppression des barrières douanières doit aider à atteindre ce but, la contribution des plateformes de logistique et de transport est tout aussi vitale. Cependant, connecter efficacement quelques millions, voire dizaines de millions d’acteurs ne demande pas les mêmes moyens qu’en connecter des centaines de millions, de Durban au Caire. Cet agrandissement du marché ou de l’espace couvert habituellement par les plateformes de transport, nécessite un recours accru à la technologie pour favoriser l’automatisation de certaines tâches et permettre un suivi en temps réel de la chaîne d’approvisionnement.
Les start-up d’e-logistique disposent d’applications mobile pour géolocaliser les clients.
Ce domaine, connu sous la dénomination e-logistique, est certes à ses balbutiements sur le continent, mais son potentiel économique ne laisse pas de place au doute, quant à la croissance des investissements qu’il enregistre. Si le mastodonte que constitue la fintech est loin devant, avec 63% de la totalité des investissements obtenus par les start-ups africaines en 2021 selon Partech, la place de dauphin en revanche est âprement disputée par les autres secteurs. D’après la même source, c’est l’e-logistique qui est sorti vainqueur de cette bataille en 2021, passant de la septième place en 2020 à la deuxième un an plus tard. Les start-up actives dans le domaine ont ainsi levé 388 millions $ en 2021, environ cinq fois le montant total levé en 2020 (79 millions $), soit une progression de 391% en glissement annuel.
Les start-up actives dans le domaine ont ainsi levé 388 millions $ en 2021, environ cinq fois le montant total levé en 2020 (79 millions $), soit une progression de 391% en glissement annuel.
Notons tout de même qu’il s’agit d’une tendance commune aux start-up africaines, avec une progression de 264% en glissement annuel du montant total des financements levés en 2021 par les start-up du continent (5,2 milliards $).
Pandémie et e-commerce comme moteurs
La pandémie a joué un rôle important dans l’augmentation des financements obtenus en 2021 par les start-up. La réduction des interactions sociales au profit des interactions numériques, rendue nécessaire par la crise sanitaire, a en effet montré tout l’intérêt des solutions de digitalisation développées par ces jeunes pousses, encourageant les investisseurs à s’y intéresser davantage. Le confinement imposé par certains États africains pour lutter contre la propagation du virus a empêché par exemple les commerçants sur les marchés habituels de se réapprovisionner et le recours à la technologie s’est avéré décisif pour connecter les fournisseurs et les détaillants.
Kobo360, le « Uber pour camions » est déjà présent dans 6 pays africains.
« TradeDepot [une plateforme de e-logistique nigériane, ndlr] m'a permis d'approvisionner mon magasin beaucoup plus facilement sans quitter mon emplacement […] Je n'avais pas besoin d'aller au marché et leurs prix sont bons », confie Blessing Chibueze, une propriétaire d’un petit magasin de quartier à Lagos, dans un compte-rendu de la Société Financière Internationale.
«TradeDepot [une plateforme de e-logistique nigériane, ndlr] m'a permis d'approvisionner mon magasin beaucoup plus facilement sans quitter mon emplacement […] Je n'avais pas besoin d'aller au marché et leurs prix sont bons».
Avec la mise en place de la Zlecaf, les start-up d’e-logistique tiennent un moyen supplémentaire de se démarquer auprès des véhicules d’investissements et autres business angels. Il convient toutefois de rappeler qu’elles n’ont pas attendu cette conjugaison de vents favorables pour hisser les voiles et lever l’ancre. Le développement des start-ups de logistique a été favorisé au préalable par celui de l’e-commerce, les deux ayant besoin l’un de l’autre pour atteindre leurs objectifs. Face au problème d’adressage des appartements et bureaux dans de nombreuses villes africaines, les start-up d’e-logistique disposent par exemple d’applications mobiles permettant, en plus de la géolocalisation des clients, un contact permanent entre ces derniers et les livreurs, évitant ainsi les erreurs dans les adresses et réduisant le temps nécessaire pour acheminer les produits.
Des pionniers et une diversité d’offres
À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de sociétés de logistique basées sur l’utilisation de la technologie à l’échelle continentale. Les pionniers qui se sont lancés dans l’aventure élargissent néanmoins peu à peu leur empreinte au-delà de leur pays d’origine comme le nigérian Kobo 360. Lancé en 2018 et désormais présent dans cinq autres pays africains (Ghana, Ouganda, Kenya, Côte d'Ivoire, Burkina Faso), le « Uber pour camions » s’est spécialisé dans la mise en relation des propriétaires de gros porteurs avec des entreprises souhaitant déplacer des produits. La plateforme permet de réduire le coût du transport en assignant chaque course au chauffeur le plus proche grâce à son logiciel basé sur l’intelligence artificielle Global Logistics Operating System.
Le client peut aussi suivre en temps réel la livraison de son article et peut payer les chauffeurs grâce à des moyens de paiement dématérialisés. Sur des routes pas toujours sûres, Kobo360 améliore ainsi la sécurité des chauffeurs qui n’ont plus à se déplacer avec de fortes sommes. D’autres start-up proposent un service similaire, comme les kényans Sendy et Lori Systems.
La plateforme permet de réduire le coût du transport en assignant chaque course au chauffeur le plus proche grâce à son logiciel basé sur l’intelligence artificielle Global Logistics Operating System.
En revanche, c’est une offre un peu différente que propose le sénégalais Paps depuis 2016. Fondée par Bamba Lo, la start-up basée à Dakar propose des livraisons au dernier kilomètre pour une large gamme de produits et services, mais aussi du stockage et du transport pour les petites et moyennes entreprises.
Paps, la start-up basée à Dakar, propose des livraisons au dernier kilomètre.
Présente aussi au Burkina Faso, elle revendique plus de 10 millions de livraisons sur ces deux marchés en bientôt six ans d’existence. Pour poursuivre sur sa lancée, elle a obtenu en janvier un financement de 4,5 millions $ auprès de divers investisseurs conduits par Orange et la société de capital-risque 4DX Ventures. Les fonds lui permettront notamment d’optimiser son infrastructure technologique basée actuellement sur trois éléments, à savoir une plateforme pour les clients (MyPaps) permettant aux clients de faire leurs demandes et d’en suivre l’évolution, une plateforme pour l’équipe (Paps Ops), assurant la gestion des commandes, et enfin l’application des livreurs Paps App. Une interface de programmation d'application (API) est également disponible pour permettre aux sites marchands des clients spécialisés dans le e-commerce d’automatiser les livraisons.
Améliorer les infrastructures routières pour favoriser l’intégration
Les start-up d’e-logistique en Afrique proposent une variété de solutions mais elles se limitent pour le moment aux grandes villes ou à des chaines d’approvisionnement au niveau national. Le manque de volonté ou d’ambition ne peut servir d’explication à cette absence sur le segment des approvisionnements transfrontaliers et il faut plutôt interroger la disponibilité et surtout l’état des infrastructures routières reliant les pays africains. Cela entraine des tarifs de fret routier deux à quatre fois plus élevés par kilomètre que ceux pratiqués aux Etats-Unis par exemple, note un rapport de la BAD.
« Le réseau routier de l'Afrique est inadéquat […] L'Afrique doit moderniser certaines sections de ses routes pour faire face à l'augmentation du fret généré par la Zlecaf », indique de son côté Robert Lisinge, chef de la Section des infrastructures de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique.
Alors que la Zlecaf est opérationnelle depuis quelques mois, la modernisation et le développement des infrastructures de transport, surtout dans l’interconnexion des Etats africains, est nécessaire pour l’émergence du secteur de la e-logistique. Elle permettra aussi aux acteurs traditionnels du secteur de la logistique d’exploiter pleinement le potentiel de ce marché commun.
Emiliano Tossou
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Moins d’un mois après l’obtention de nouveaux capitaux, l’entreprise d’e-commerce Chari.ma entame le processus de rachat de l’activité de crédit d’Axa Assurance Maroc.
Annoncée depuis janvier dernier par l’Agence Ecofin, le projet d’acquisition par le marocain Chari.ma d’une société de crédit, a été rendu public ce 03 mars. La plateforme qui permet à des détaillants d’acquérir en ligne des articles de grande consommation, a proposé de débourser 22 millions $ pour acheter Axa Crédit, filiale d’Axa Assurance Maroc, spécialisée dans le crédit à la consommation. L’offre de rachat a été soumise à l’appréciation des autorités en charge de l’assurance et de la concurrence au Maroc.
« Nous sommes ravis d’annoncer un partenariat de vente entre Axa Assurance Maroc et Chari. Ce partenariat permettra à Axa de poursuivre sa croissance sur le marché marocain et de jouer un rôle central dans l’inclusion financière », a commenté Meryem Chami, directeur général d'Axa Assurance Maroc.
Cette proposition de rachat survient moins d’un mois après la levée de fonds, d’un montant non dévoilé, de Chari.ma. L’entreprise co-fondée en 2020 par Ismaël et Sophia Belkhayat, avait indiqué en fin janvier, que l’obtention de ces nouveaux capitaux la valorisait à 100 millions $. La start-up marocaine avait également précisé, à la suite de cette opération, qu’elle testerait le service Buy Now and Pay Later auprès de ses clients, avant d’envisager une extension dans le secteur des prêts à la clientèle.
Pour Axa, cette transaction pourrait permettre à la compagnie de se recentrer sur l’assurance, son activité principale.
Chari.ma, quant à elle, pourrait désormais proposer des crédits à sa clientèle constituée de détaillants de produits de grande consommation. L’entreprise se servira de la plateforme Karny.ma, qu’elle a racheté en août 2021, pour évaluer la solvabilité de ses clients non bancarisés et sans historique de crédit. Ces détaillants pourront à leur tour octroyer des produits de grande consommation à crédit à leur clientèle.
Chamberline Moko
Les solutions et l’architecture digitale des paiements représentent un défi récurrent sur le secteur du e-commerce en Afrique. Jumia annonce avoir pris des mesures pour les améliorer sur deux de ses principaux marchés que sont l’Egypte et le Nigeria.
Jumia, le groupe spécialisé dans les services d'e-commerce en Afrique, a annoncé avoir effectué plusieurs investissements en Egypte, dans le cadre d'une stratégie visant à développer ses solutions de paiement. Il a indiqué avoir trouvé un accord avec vaIU, une société de services technologiques adaptés à la finance, afin de développer une solution permettant à ses clients locaux d'acquérir des biens et les payer dans le temps (BNPL, Buy Now and Pay Later).
Jumia annonce aussi avoir connu plusieurs développements sur son système de paiement au Nigeria, son principal marché. « Sur l'application JumiaPay, nous avons continué à ajouter des services plus pertinents, au quotidien. Au Nigeria, nous avons mis en place une intégration avec Quickteller, le plus grand agrégateur de factures du pays. Ce partenariat nous permet de proposer plus de 70 facturiers supplémentaires sur l'application JumiaPay, notamment des services gouvernementaux, des fournisseurs d'accès à Internet, des compagnies aériennes… », peut-on lire dans la communication de l'entreprise.
Toujours au Nigeria cependant, l'entreprise annonce que ses services de paiement pourront connaître des perturbations. Afin de se conformer aux exigences de la Banque centrale, ses dirigeants ont accepté de s'associer à un fournisseur de services de paiement tiers pour le traitement des transactions par carte via JumiaPay. Le changement effectif est annoncé pour ce mois de mars 2022 avec un léger délai dans la mise en œuvre.
La technologie JumiaPay a permis au groupe coté désormais sur le Nasdaq (principal marché boursier américain des valeurs technologiques) de canaliser des paiements d'une valeur de 263,3 millions $ pour plus de 12,1 millions de transactions. Cela représente 34,7 % des paiements globaux effectués par les clients, contre 33,1 % une année auparavant. Rappelons que la valeur des marchandises achetées via la plateforme Jumia a frôlé le milliard de dollars en 2021, en hausse de 3,21 % comparé à celle de l’année 2020.
Jumia continue d'augmenter le nombre de ses clients qui a approché 4 millions en 2021, ainsi que ses volumes d'affaires. L’amélioration de ses systèmes de paiement tout comme la mise en conformité avec les exigences règlementaires sont des étapes importantes de son développement. Ces évolutions devraient lui permettre de répondre aux attentes qui surviendront, au regard de l'importante campagne de marketing menée en 2021.
La start-up lancée il y a un an a déjà constitué un important réseau de plus de 10 000 épiciers, à qui elle propose des promotions sur des produits de grande marque. Son objectif, c’est d’agrandir son réseau sur les prochaines années.
La start-up marocaine WafR — qui permet au client et à l’épicier d’obtenir une promotion au moment de l’achat/vente d’un produit en vue d’orienter leurs choix vers une marque de la grande distribution — veut d’agrandir son réseau actuel de clients, constitué de plus de 10 000 épiciers, à 50 000.
Pour financer ce projet, l’entreprise fondée en 2021 a annoncé, le mercredi 16 février, la levée d’un financement de 3,5 millions de dirhams (374 000 $). Les fonds seront essentiellement orientés vers l’accélération de la croissance de WafR à travers le développement de son réseau d’épiciers.
« Suite aux 300 000 dirhams qui nous avaient initialement été promis, plusieurs nouveaux investisseurs ont manifesté leur intérêt pour WafR et se sont joints au round de financement. Ainsi, nous avons levé 3,5 millions de dirhams et notre valorisation a atteint 30 millions de dirhams », a commenté Ismail Bargach (photo), le cofondateur de WafR, à la suite de cette opération.
Au Maroc, 85 % des ventes se font dans des épiceries contre 15 % dans les grands magasins et surfaces, estime WafR. Pour aider les grandes marques à augmenter leurs volumes de vente, leurs parts de marchés et leurs profits, WafR propose à des épiceries leurs articles vendus à des prix promotionnels pour davantage les inciter à s’orienter vers elles. Cette solution a permis à la start-up de constituer un important réseau de clients consultant au quotidien ses offres promotionnelles.
Chamberline Moko
Ashraf Atia et Ramy Assaf révolutionnent le c-Commerce, une forme de commerce conversationnel au sein des applications de messagerie instantanée. En 5 ans, ils ont réussi à créer la 1re plateforme de c-commerce de la région MENA, et annonce l’expansion de sa solution en Egypte.
En 2016, Ramy Assaf (photo, à droite) et sa femme lançaient une petite activité de vente de chapeaux via une page Instagram, traitant les commandes par WhatsApp. Alors qu’il travaillait à l’époque pour la société de capital-risque Middle East Venture Partners (MEVP), il a décidé de s’aventurer dans l’entrepreneuriat après avoir constaté que sa petite activité de vente en ligne constituait une opportunité à développer dans la zone MENA.
Cependant, la notion de suivi des commandes et de gestion des clients restait un point sensible, et il a décidé d’en faire son cheval de bataille en créant la start-up Zbooni en 2017. Quelques mois plus tard, Ashraf Atia (photo, à gauche) le rejoint, et ensembles ils décident de révolutionner les opérations électroniques d’achats et de ventes dans la région du MENA grâce au c-commerce, une nouvelle forme de commerce conversationnel qui permet aux entreprises de vendre davantage par le biais d'applications de chat populaires, comme WhatsApp, Telegram ou Messenger.
Les moyens pour un tel investissement, ils les ont obtenus auprès d’investisseurs régionaux et mondiaux qui les accompagnent dans leur expansion. Très vite, l’idée a séduit dans plusieurs pays, et Zbooni a progressivement ouvert ses bureaux régionaux aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite et en Jordanie, et sert actuellement une base de commerçants de plus de 6 000 entreprises.
En septembre 2021, Zbooni a réalisé un tour de financement de série A de 9,5 millions de dollars pour accélérer son expansion dans la région. Trois mois plus tard, la start-up a signé un partenariat de paiement avec JumiaPay Egypt, la plateforme de paiement égyptienne de Jumia Group. Le 16 février, le duo d’entrepreneurs a annoncé le lancement de sa plateforme en Egypte, ce qui aidera les entreprises locales à utiliser ses outils pour interagir et s'engager avec les clients, avec la sécurité des transactions traitées par JumiaPay.
Zbooni permet ainsi aux entreprises de convertir les conversations en transactions en partageant des paniers d'achat et des liens de paiement en temps réel, tout en assurant un suivi complet des opérations. Elle offre aux utilisateurs la possibilité de saisir des commandes, d'accepter des paiements et de vendre davantage, tout en assurant un suivi complet.
« Le panier moyen du c-Commerce est 2,7 fois plus grand que celui du e-Commerce traditionnel et les taux de conversion sont 20 fois plus élevés […] Zbooni utilise des outils avancés d'apprentissage automatique et d'IA (intelligence artificielle) pour protéger les commerçants et les clients, en garantissant une prévention de la fraude », affirme Ashraf Atia.
Avec le lancement de Zbooni en Egypte, les fondateurs ciblent les 50 millions d'utilisateurs de réseaux sociaux que compte le pays. « Nous sommes ravis de nous lancer en Egypte et de lancer le c-commerce avec des entrepreneurs et des entreprises égyptiennes inspirantes. En tant qu'Américain d'origine égyptienne qui a vécu et travaillé dans toute la région, c'est un honneur de pouvoir apporter de nouvelles solutions technologiques à mon pays d'origine. Avec l'aide de notre partenaire clé JumiaPay et de la National Bank of Egypt, nous espérons aider des milliers d'entreprises égyptiennes à vendre davantage avec Zbooni en 2022 », a-t-il conclu.
Aïsha Moyouzame