Facebook a récemment annoncé que les investissements dans Facebook Reality Labs, sa branche dédiée à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée, devraient atteindre au moins 10 milliards $ cette année. Ce montant est appelé à croître sur la décennie afin d’aider Mark Zuckerberg à réaliser l’un de ses rêves, celui de construire le « métavers », un monde virtuel calqué sur le réel. Alors que les géants technologiques sont déjà à ce niveau de sophistication présenté comme la « nouvelle frontière d’Internet », l’Afrique découvre à peine le potentiel de la réalité virtuelle, malgré quelques initiatives prometteuses. Explications.
Facebook a fait plusieurs annonces au cours de la publication de ses résultats du troisième trimestre, lundi 25 octobre. Le géant technologique a non seulement indiqué que les investissements dans la branche Facebook Reality Labs (FRL) devraient réduire le bénéfice d’exploitation global d’environ 10 milliards $ cette année, mais il a aussi indiqué que les résultats financiers de cette branche seraient désormais séparés, dès le quatrième trimestre 2021, des autres activités du groupe.
Un carrefour virtuel et connecté donnant l’illusion du réel.
Si cette décision a surtout pour but d’éviter que les investissements importants prévus au cours des prochaines années plombent le bilan financier général de l’entreprise, ils démontrent tout de même l’importance que Mark Zuckerberg accorde au développement de la réalité virtuelle (VR) et de la réalité augmentée (AR). Le PDG de Facebook a même expliqué aux investisseurs que l’entreprise va s’atteler à passer du statut de géant des réseaux sociaux à celui d’entreprise axée sur le métavers, même si cela suppose que Facebook devra attendre des années avant d’obtenir des bénéfices dans le secteur. « Ce n'est pas un investissement qui va être rentable pour nous dans un avenir proche […] Mais nous croyons fondamentalement que le métavers va être le successeur de l'internet mobile », a déclaré le PDG de Facebook.
« Ce n'est pas un investissement qui va être rentable pour nous dans un avenir proche […] Mais nous croyons fondamentalement que le métavers va être le successeur de l'internet mobile », a déclaré le PDG de Facebook.
Pour refléter cette transformation, le groupe a d’ailleurs fait part jeudi 28 octobre de son changement de nom, de Facebook à Meta. « À partir de maintenant, nous allons être le métavers en premier. Et non plus Facebook avant tout », a annoncé Mark Zuckerberg, lors de son discours d’ouverture de « Connect », un évènement annuel consacré au matériel informatique, notamment celui produit par FRL.
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Le groupe prévoit d’embaucher 10 000 personnes en Europe, au cours des cinq prochaines années. Ce personnel va œuvrer exclusivement pour que « la prochaine génération d'expériences sociales en ligne » voie le jour. Faut-il le rappeler, Facebook Reality Labs, qui s’appelait jusqu’à l’année dernière Oculus Research, du nom de la start-up de réalité virtuelle acquise en 2014 pour 2 milliards $, se consacre actuellement aux casques et lunettes de VR et d’AR.
La nouvelle frontière d’internet
Si le concept « métavers » est encore peu connu du grand public, sa première apparition remonte à 1992, dans une œuvre de l’écrivain américain de roman de science-fiction Neal Stephenson intitulé Snow Crash. Contraction des mots meta et univers, il s’agit d’un carrefour virtuel et connecté donnant l’illusion du réel, et dans lequel les utilisateurs (humains) évoluent en 3D grâce à leurs avatars. Ce nouveau monde devrait combiner diverses technologies actuellement en déploiement, comme la 5G, les cryptomonnaies, les jetons non fongibles (NFT). Pour ces derniers, par exemple, l’existence d’un monde virtuel similaire au réel donnerait plus de sens aux acquisitions d’œuvres sous forme de NFT. Comme dans le monde physique, on pourrait vendre, acquérir et y détenir des biens, travailler à distance, étudier à distance, tout en ayant le sentiment d’être présent dans les différents lieux en question.
L’un des avantages de ce métavers pourrait par exemple être la possibilité d’essayer des vêtements dans cet univers avant de passer commande pour les utiliser dans le monde réel.
L’un des avantages de ce métavers pourrait par exemple être la possibilité d’essayer des vêtements dans cet univers avant de passer commande pour les utiliser dans le monde réel.
« On peut considérer le métavers comme un internet incarné, où l'on ne se contente pas de regarder le contenu, on y est. Et vous vous sentez présent avec d'autres personnes comme si vous étiez dans d'autres lieux, vivant des expériences différentes que vous ne pourriez pas nécessairement faire sur une application ou une page web en 2D, comme la danse, par exemple », détaille, enthousiaste, Mark Zuckerberg.
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Le PDG de Facebook n’est d’ailleurs pas le seul homme d’affaires qui accorde un intérêt important à ce concept. Il faut dire que le métavers pourrait être accessible aussi bien à travers les accessoires de réalité virtuelle actuellement disponibles, qu’à travers les appareils mobiles, les ordinateurs portables et les consoles de jeux. Dans ce dernier domaine par exemple, plusieurs plateformes de jeux vidéo expérimentent à petite échelle certaines futures fonctionnalités de ce métavers.
L’autre grand promoteur du métavers est d’ailleurs Tim Sweeney, PDG d’Epic Games, société propriétaire de plusieurs jeux en vogue comme Fortnite. Avec ses 350 millions de joueurs sur la planète, Fortnite a ainsi déjà servi de cadre à des concerts virtuels (Ariana Grande ou Travis Scott) et accueilli en avant-première les bandes-annonces de certains films. Comme Facebook, son patron prévoit aussi d’investir massivement afin de réussir le passage vers ce métavers.
Un marché de près de 70 milliards $ d’ici 2028.
Il faut rappeler que la mise en œuvre d’une innovation majeure n’est pas la seule motivation des groupes technologiques qui veulent investir dans le métavers. Les marchés de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée représentent chaque année des milliards de dollars et ils sont en pleine croissance. Selon un rapport du cabinet Grand View Research paru en mars dernier, le marché de la réalité virtuelle pourrait représenter 69,60 milliards $, d’ici 2028. En 2020, le même marché représentait seulement 15,81 milliards $, soit un taux de croissance annuelle composé de 18%.
Opportunités en Afrique
Il existe actuellement peu de chiffres pour évaluer la place qu’occupe l’Afrique sur le marché mondial de la réalité virtuelle. Pour s’en rendre compte, il faut plutôt s’intéresser aux initiatives qui éclosent ici et là sur le continent, comme l’AR/VR Africa Community qui regroupe les « créateurs de contenu, les passionnés, les créatifs, les développeurs et les technologues qui souhaitent faire la différence avec la réalité virtuelle et augmentée ».
Ce type de projet peut devenir un moyen pour tous les pays du continent de mieux exporter leurs richesses culturelles, contribuant à détruire le mythe du « misérabilisme africain. »
Des start-up essayent aussi de se frayer un chemin pour tirer parti du potentiel de cette technologie, mais elles ont encore besoin d’importants financements pour croître. On peut citer, entre autres, la jeune pousse algérienne Shédio qui veut œuvrer pour le tourisme avec la VR et l’AR. Encore à ses débuts, elle entend offrir un service de tourisme digital mêlant la reconstitution 3D de sites culturels et historiques et la création de musées interactifs en 3D. Cela pourrait démocratiser l’accès aux sites touristiques de l’Algérie pour les locaux et offrir aussi aux expatriés l’accès à leur patrimoine national.
Mais à terme, ce type de projet peut devenir un moyen pour tous les pays du continent de mieux exporter leurs richesses culturelles, contribuant à détruire le mythe du « misérabilisme africain » et la tendance de certains Occidentaux à considérer le continent comme un seul pays avec une culture uniforme.
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Alors que la pandémie de Covid-19 a révélé les différentes possibilités qu’offre la réalité virtuelle et augmentée pour l’accès à distance à des cours et à des conférences, sa démocratisation sur le continent peut offrir de nouvelles possibilités d’études à la jeunesse africaine, sans que celle-ci ait besoin de s’expatrier.
Sa démocratisation sur le continent peut offrir de nouvelles possibilités d’études à la jeunesse africaine, sans que celle-ci ait besoin de s’expatrier.
D’autres solutions dans le domaine de la santé, avec des opérations chirurgicales par des praticiens locaux assistés des meilleurs spécialistes mondiaux en la matière seraient également possibles, même dans des régions reculées en Afrique. Enfin, la réalité virtuelle représente une opportunité pour les commerçants africains, détaillants ou grossistes.
Des opérations chirurgicales par des praticiens locaux assistés des meilleurs spécialistes mondiaux en la matière seraient également possibles, même dans des régions reculées en Afrique.
« Les avantages sont nombreux - il est beaucoup plus rapide et moins cher de tester de nouveaux concepts, de lancer de nouveaux produits et d'offrir un processus d'achat plus expérientiel », explique Oliver Baillie, PDG et fondateur de l’organisation sud-africaine La Maison Des Arts (LMDA).
Tout comme pour l’IA et d’autres nouvelles technologies similaires, le taux de pénétration et la qualité d’Internet restent néanmoins des obstacles de taille à franchir pour atteindre ces objectifs. La volonté politique est donc nécessaire pour offrir un cadre dans lequel les start-up qui évoluent dans le secteur pourraient atteindre la maturité et aider les pays du continent à réussir la quatrième révolution industrielle.
Emiliano Tossou