Place forte de l’industrie minière mondiale, l’Afrique place plusieurs de ses pays parmi les principaux producteurs de minéraux comme l’or, les platinoïdes, le diamant, le cobalt, le cuivre ou encore la bauxite. Alors que la quatrième révolution industrielle s’étend progressivement au continent, les compagnies qui y sont actives utilisent déjà les nouvelles technologies pour optimiser l’exploration et l’exploitation minière. À leur niveau, les États ne sont pas en reste et c’est leurs efforts destinés à améliorer la gestion du secteur que WeAreTech vous raconte, dans cette quatrième partie de sa série consacrée à la digitalisation d’un certain nombre de secteurs économiques en Afrique.
Si l’implémentation des nouvelles technologies est encore à ses balbutiements dans plusieurs domaines sur le continent, les acteurs du secteur minier ont pris très tôt conscience de leur potentiel pour mieux mener leurs activités. D’après l’Agence Ecofin, le continent joue même un rôle de pionnier dans l’industrie minière mondiale, en matière d’automatisation. Certaines mines du continent témoignent d’ailleurs de cette utilisation de la technologie, en l’occurrence Syama au Mali et Kibali en RDC, où l’automatisation de certaines tâches a permis d'accroître le rendement des opérations et donc les bénéfices pour toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse de l’État, des compagnies minières ou encore des communautés locales. Les outils utilisés vont de l’analyse de données permettant de mieux planifier les activités à la mine, à l’internet des objets et ses applications dans le suivi des opérations d’extraction et de traitement. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, l’utilisation de la technologie dans l’industrie minière a permis par exemple de continuer les activités avec le minimum de risques pour le personnel. La sécurité n’est qu’un avantage parmi tant d’autres, car l’automatisation offre aussi un gain de temps et réduit les coûts de production, un argument de poids pour les compagnies minières.
La digitalisation comme outil de transparence
Les avancées technologiques ne servent pas qu’à optimiser les travaux d’exploration puis d’exploitation des mines. Elles présentent pour les gouvernants et les citoyens plusieurs atouts, dont prennent progressivement conscience les dirigeants africains. L’un de ces avantages reste la transparence. Alors que les États miniers africains tentent de se débarrasser de cette image de pays où règnent en maître les accords opaques autour des obtentions et transferts de titres de propriété miniers, l’option de la digitalisation du cadastre minier gagne de plus en plus du crédit auprès des dirigeants.
Le premier avantage d’un tel système digitalisé est qu’il permet de respecter plus facilement le principe du « premier arrivé, premier servi », une norme internationale au niveau des concessions minières qui n’ont pas encore été attribuées. Avec un journal de bord qui indique la date et l’heure de la demande de permis, les autorités peuvent en effet mettre fin aux contestations qui ne manquent pas de survenir quand plusieurs sociétés soumettent des demandes pour le même permis. De plus, grâce à une carte interactive disponible sur la plateforme, les sociétés minières, mais aussi les citoyens, peuvent connaître à tout moment les différents propriétaires des titres miniers délivrés par le gouvernement sur toute l’étendue du territoire. Enfin, les frais pour une demande de titre minier peuvent être payés de façon électronique (Mobile Money ou virement bancaire) en utilisant l’une des fonctionnalités de la plateforme. Cela évite au demandeur d’être soumis aux désidératas d’un fonctionnaire des Mines indélicat et assure au Trésor public une collecte transparente et efficace des recettes.
Il faut souligner que ces avantages sont des arguments non négligeables pour attirer les investisseurs miniers, car le système participe à l’amélioration du cadre réglementaire. Selon le think tank canadien Fraser Institute qui publie chaque année un classement des juridictions minières les plus attractives dans le monde, les compagnies minières tiennent aussi bien compte du potentiel minier d’un pays que des politiques minières (lois et environnement des affaires notamment), avant d’y investir.
Depuis près d’une décennie, plusieurs pays du continent ont donc fait appel à des spécialistes afin de mettre en place une plateforme électronique permettant de faire une demande de titre minier (permis de prospection ou d’exploration). L’américain Trimble indique, par exemple, ses différents systèmes de cadastre minier digital sont déjà utilisés en Afrique par la Namibie, le Kenya, le Cameroun, le Lesotho, le Liberia, le Malawi, l’Ouganda, le Rwanda, le Ghana et bien d’autres. En août 2021, le Botswana, déjà classé comme la meilleure juridiction minière en Afrique en matière de politiques minières et de potentiel minéral par Fraser Institute, est même devenu le dernier pays africain à recourir aux services de cette entreprise.
« Depuis plusieurs décennies, le Botswana est admiré pour avoir l'un des meilleurs systèmes de cadastre minier au monde. Nous sommes impatients d'aider le gouvernement à devenir encore plus efficace, responsable et accueillant pour les investisseurs, tout en favorisant la collecte des recettes publiques », commente alors Bill Feast, président de Spatial Dimension, filiale de Trimble.
La technologie au service de la traçabilité de la production minière
L’amélioration du cadre réglementaire n’est pas le seul avantage qu’offre la technologie aux États africains. Le gouvernement ghanéen en a donné récemment l’exemple, en annonçant la numérisation complète de son laboratoire national d’analyse des minerais précieux. Pour le DG de la Precious Minerals Marketing Company, cette avancée permet aux dirigeants de mieux assurer la traçabilité des exportations et lutter contre les fraudes, car la production minière est désormais dotée de certificats d’authenticité difficilement falsifiables.
« En cliquant sur un bouton, les personnes autorisées peuvent tracer la quantité d'or exportée en kilogrammes et en onces, la destination de l'exportation, la valeur en cédis ghanéens et en dollars, la retenue à la source, l'exportateur et bien d'autres données pertinentes », ajoute-t-il.
Si la technologie utilisée n’a pas été précisée, d’autres outils numériques font davantage l’objet de publicité, à l’image de la blockchain. L’outil, peu connu il y a une décennie, a gagné une publicité importante ces dernières années et ses applications dans l’industrie minière commencent à peine à se généraliser. En Afrique, les compagnies minières sont à nouveau à l’avant-garde et certaines d’entre elles, notamment les producteurs de diamants canadien Lucara et sud-africain De Beers l’utilisent déjà. En garantissant à tous ceux qui y ont accès le caractère infalsifiable de toutes les transactions, la blockchain permet aux clients de ses entreprises de retracer le parcours des pierres précieuses afin de s’assurer que la chaîne d’approvisionnement obéit à des normes responsables. En RDC, des initiatives blockchain voient aussi le jour depuis quelques années pour permettre aux groupes industriels consommateurs de cobalt de suivre la production du pays et s’assurer que le métal n’est pas produit grâce au travail des enfants.
Pour l’instant, les États miniers africains sont peu présents sur cette technologie, mais ses avantages devraient les inciter à y recourir progressivement.
Emiliano Tossou