Avec 12 000 lecteurs qui consultent sa bibliothèque virtuelle, Vincent Milewa veut développer la culture de la lecture chez les Kényans. Sa start-up RafuBooks étant en pleine croissance, il veut à court terme séduire une plus grande clientèle dans d’autres pays d’Afrique de l’Est.
Ayant grandi dans une famille peu aisée, Vincent Milewa (photo) utilisait les livres comme feuille de route pour échapper à la pauvreté. A l’école, il s’est passionné pour les œuvres autour du développement personnel et du business. Plus tard, il a suivi une formation en informatique, et a travaillé dans le secteur des télécommunications pendant plus de dix ans, dans la vente et le marketing. Alors qu’il traversait une phase difficile en 2018, il a replongé dans la lecture et a très vite constaté qu’il n’était pas toujours facile d’être en possession de certains livres. De cette expérience est née l’idée d’une bibliothèque virtuelle baptisée RafuBooks.
Pour concrétiser son projet, Vincent Milewa a investi la moitié de son salaire mensuel et a reçu le soutien de sa famille et de ses amis. Il a aussi pu obtenir une partie du financement auprès d’un groupe d’investissement dont il faisait partie, ce qui lui a permis d’entamer son projet dans un espace de bureau avec quelques livres, un site web et trois employés.
« Nous avons subventionné beaucoup de livres pour arriver au niveau où nous sommes maintenant […] Au début, j'avais une petite sélection de livres avec pour objectif principal une livraison rapide, le jour même, à Nairobi. Les gens peuvent commander à 15 heures et être livrés le jour même », explique-t-il.
Dans un contexte où les librairies ne sont pas aussi répandues que d’autres types d’entreprises, Vincent Milewa utilise les nouvelles technologies afin d’assurer la disponibilité des livres pour de nombreux Kényans. Pour répondre à la demande, il travaille avec des fournisseurs internationaux, mais aussi locaux. Pour lui, « personne ne devrait attendre un livre pendant quatre jours dans la même ville, sauf s'il vient de l'étranger. Comme la nourriture, il doit être livré rapidement ».
RafuBooks a commencé par vendre des romans et des livres d'autoassistance, avant de s'étendre aux textes religieux, aux manuels scolaires et aux livres pour enfants. Près de 150 auteurs locaux y sont répertoriés, avec environ 300 titres. Depuis son lancement en 2018, la bibliothèque virtuelle a traité plus de 15 000 commandes. En 2020, les ventes ont considérablement augmenté à cause du confinement. L’année suivante, la start-up a connu une croissance de 30 %. L'entreprise compte actuellement 12 000 clients enregistrés sur son site web.
Vincent Milewa souligne toutefois que RafuBooks fait face à un défi majeur, notamment l’absence d’une culture de la lecture. D’après lui, l'ensemble des librairies de la capitale Nairobi ne vendent que 20 000 exemplaires de best-sellers. « Le nombre de librairies à Nairobi en dit long et la plupart de ce qu'elles vendent sont des manuels scolaires. La majorité des Kényans lisent pour des raisons académiques, ils ne lisent pas uniquement pour le plaisir », déplore-t-il.
Pour fidéliser ses clients, il propose ses livres avec des cadeaux, une stratégie commerciale qui marche bien selon lui. « Nous avons réalisé que les livres et les cadeaux vont bien ensemble. Aussi, lorsque nous avons envisagé de nous diversifier, nous avons proposé des articles cadeaux tels que du chocolat, du vin et des fleurs. Cela a été une grande expérience d'apprentissage pour nous, et la partie "cadeaux" a été un complément idéal à l'activité livresque », assure-t-il.
Pour l'instant, RafuBooks livre en Ouganda et en Tanzanie, mais la vision de Vincent Milewa pour sa start-up est de devenir l'Amazon de l'Afrique de l'Est et de fournir d'autres catégories de produits que les livres.
Aïsha Moyouzame