Moussa Bagnon : « En Afrique nous avons beaucoup d’histoires à raconter à travers les contenus animés »

Par : Servan Ahougnon

Date de création : jeudi, 05 octobre 2023 19:46

Date de modification : 05 octobre 2023 19:54

Moussa Bagnon, membre de l’équipe ivoirienne ayant remporté la Sony Talent League en mars dernier a accepté d’échanger avec We Are Tech. Il revient pour nous sur la compétition, ses ambitions dans le secteur de l’animation et des effets spéciaux, mais aussi sur la formation Afro VFX qui lui a permis de se lancer dans ce secteur.

We Are Tech : Quel est votre background ?

Moussa Bagnon : Je suis diplômé en électronique et passionné de digital, de photographie et de vidéo. Je fais partie de la première cohorte d’étudiants ayant participé à la formation Afro VFX, organisée par Orange Côte d’Ivoire en 2022. Cette formation avait pour objectif d’initier des jeunes aux effets spéciaux et à l’animation.

WAT : Avant cette formation, étiez-vous déjà en contact avec les effets spéciaux et l’animation ?

MB : Non. Néanmoins j’ai démarré dans des domaines connexes avec l’infographie et le montage vidéo. Cependant, j’avais une certaine idée des outils qui pouvaient servir à faire de la 3D et de l’animation mais je n’avais aucune compétence dans ces domaines.

WAT : Comment avez-vous rejoint la première cohorte de la formation Afro VFX ?

MB : J’ai entendu parler de la formation à l’Orange Digital Center Côte d’Ivoire, un centre d’accompagnement et de développement de compétences numériques. J’ai participé à Orange Summer Challenge 2021, un stage d’été qui permet à des jeunes de réaliser un projet permettant de résoudre un problème de société. Après j’ai gardé de bonnes relations avec les membres de l’Orange Digital Center Côte d’Ivoire, où je me rendais régulièrement. J’ai par la suite entendu parler d’Afro VFX et j’ai posé ma candidature.

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WAT : Comment s’est déroulé l’apprentissage, lorsque votre candidature a été retenue ?

MB : L’apprentissage a débuté par des MASTERCLASS sur les effets spéciaux. Suite à une sélection, les plus motivés et les plus aptes, amateurs ou débutants, ont été retenus pour suivre la formation certifiante. Les premières séances concernaient le logiciel Maya pour la modélisation et l’animation 3D. Ensuite, nous avons appris la simulation avec des logiciels comme Houdini. Les sessions avaient lieu chaque samedi, en ligne avec différents formateurs et pendant plusieurs semaines.

WAT : Est-ce que la formation a comblé vos attentes ? Notamment sur les compétences que vous recherchiez en animation ?

MB : Effectivement, en participant à Afro VFX, l’objectif recherché, c’était d’être capable de réellement animer et créer des effets spéciaux de manière professionnelle. Je ne peux pas dire que je suis devenu professionnel après cette formation, mais j’ai beaucoup appris sur les bases de ce métier. Nous avons reçu des compétences techniques mais il fallait d’abord apprendre l’écosystème du secteur avec le monde des studios et comment les animateurs collaborent avec eux. En 3 mois, je ne pouvais pas devenir professionnel et me lancer dans la recherche d’emplois en animation parce que c’était juste une initiation. Aussi, je visais des standards internationaux en animation et en effets spéciaux, c’était donc difficile d’atteindre ce niveau en 3 mois. Mais j’ai appris et je continue de me former. On voit déjà des projets d’animation portés par des personnes très talentueuses en Côte d’Ivoire mais je cible vraiment le niveau international donc je veux encore m’améliorer.

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WAT : Pourtant, ces compétences ne vous ont pas empêché, avec d’autres étudiants de la cohorte d’Afro VFX, de remporter en mars la Sony Talent League (concours mondial de numérique) avec « Djossi Heroes », un documentaire d’animation qui utilise vos compétences en animation et en effets spéciaux. Comment en êtes-vous arrivés à participer à une compétition de cette envergure sans pour autant considérer vos compétences comme suffisantes pour les standards internationaux ?

MB : C’est Dedy Bilamba, l’un des cofondateurs du programme Afro VFX, qui nous en a parlé et a partagé le lien de la compétition avec nous. Nous en avons entendu parler à quelques semaines de la première échéance, mais les critères étaient vraiment au niveau des standards internationaux que je visais par exemple. C’était une occasion pour nous de jauger notre niveau actuel. On est partis pour découvrir le concours et mettre en pratique nos nouvelles compétences. On n’imaginait pas réellement gagner le concours. Il fallait d’abord soumettre un pitch et sur les 600 projets présentés, cinq, dont le nôtre, ont été retenus et ensuite il a fallu travailler 10 semaines avec nos mentors pour présenter la version finale.

WAT : Pouvez-vous nous parler du projet qui vous a permis de remporter le tournoi ?

MB : Il s’agit de Djossi Heroes, une série documentaire de 15mn par épisodes qui met en lumière les personnes qui font des petits métiers. Le premier épisode par exemple parle d’une vendeuse d’eau et de son activité. Pour nous ces gens sont des héros du quotidien. Notre travail a consisté à donner vie via des animations, aux ambitions et aux rêves de l’héroïne, pour les faire transparaître dans le documentaire. Avec deux autres étudiants de la cohorte d’Afro VFX et un dessinateur, nous avons collaboré, sous la supervision de nos formateurs qui nous ont aidé à mieux structurer le projet.

WAT : Qu’est ce qui selon vous a attiré la faveur des juges dans Djossi Heroes ?

MB : Les 5 finalistes avaient de beaux projets, mais je pense que c’est l’impact social et des sensibilisations sur l’immigration et d’autres sujets importants que nous avons traités dans les épisodes. C’est plus l’impact du projet qui a attiré le jury de la Sony Talent League.

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WAT : Quelle suite envisagez-vous après cette victoire ?

MB : Pour le moment on continue de travailler sur Djossi Heroes pour l’améliorer mais la prochaine étape consistera à trouver des investisseurs pour le finir et le diffuser à plus grande échelle. En parallèle je continue de me former pour atteindre le niveau de compétences que je recherche. Je veux apporter une contribution à l’amélioration de l’animation et des effets spéciaux en Côte d’Ivoire et pourquoi pas en Afrique.

WAT : Vous envisagez de participer à la prochaine cohorte d’Afro VFX ?

MB : Bien sûr. La première cohorte était plus une initiation qu’autre chose. La deuxième cohorte prévoit une véritable spécialisation et là j’aurai l’opportunité de choisir un domaine bien précis des effets spéciaux. C’est un secteur plus vaste qu’on ne le pense. Il y a des gens qui font du « texturing », des animateurs et des compositeurs. Moi j’aurai la chance de me perfectionner en simulation.

WAT : Vous avez beaucoup évoqué les standards internationaux, est ce que vous pensez que l’Afrique est loin de ce niveau d’exigence en termes d’animation et d’effets spéciaux ?

MB : On arrive petit à petit. Avec ce qu’on voit dans certains pays comme le Nigeria et aussi la Côte d’Ivoire, il y a pas mal de studios qui font du bon travail. On n’est pas aux standards internationaux mais on n’est pas vraiment loin.

WAT : Est-ce que vous pensez qu’il y a une réelle demande de spécialistes de l’animation en Afrique actuellement ?

MB : Je pense qu’il y a un réel besoin parce que le continent produit de plus en plus de contenu, surtout des films d’animations. Et il y a de plus en plus de projets africains de ce genre mais les personnes à l’origine de ces initiatives sont souvent obligées de sous-traiter la partie animation et la confier à des professionnels qui se trouvent hors d’Afrique, pour avoir des animations de qualité. C’est pour cela que la formation est importante. En Afrique nous avons de très belles histoires mais il faut former des animateurs et des spécialistes des effets spéciaux pour aider à mieux les raconter.

WAT : Quel message voulez-vous transmettre aux jeunes qui comme vous souhaitent se lancer dans l’animation et les effets spéciaux ?

MB : Je veux les encourager parce qu’on voit de plus en plus de films d’animations africains sur des plateformes connues comme Netflix et donc on peut dire que le secteur progresse. L’Afrique est très observée par l’extérieur dans ce domaine donc je leur demande de ne pas hésiter. C’est un secteur qui nourrit son homme et qui a de l’avenir. Je voudrais aussi lancer un appel aux autorités des pays africains pour qu’ils soutiennent plus ce domaine qui peut créer de nombreux emplois pour les jeunes ivoiriens et africains.

WAT : Je pense que votre appel sera entendu. Merci pour votre temps.

MB : Merci également à vous

Propos recueillis par Servan Ahougnon

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